Le député Michel Vauzelle, président de Région, répond à notre demande.

Comme n'a pas manqué de le souligner l'Institut d'Estudis Occitans, de nombreux élus des régions occitanes du midi ont été sensible à l'interpéllation du mouvement régionaliste qu'il soit culturel ou politique. Preuve en est la lettre adressée par Michel Vauzelle en réponse à notre courriel.

La lettre de Michel Vauzelle


Communiqué de presse
Le gouvernement promet un débat sur les langues régionales

A l’occasion du débat sur la modification de la constitution préalable à la ratification du Traité de Lisbonne, des sénateurs occitans, bretons, basques alsaciens et catalans avaient déposé mardi une proposition de loi tendant à faire reconnaître dans la constitution française l’existence des langues dites régionales. La discussion s’est déroulée dans la nuit de mardi à mercredi.

Nous nous en félicitons. Une semaine avant c’est à l’Assemblée Nationale qu’une initiative identique avait été prise par des députés de tous bords. Que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée Nationale des parlementaires de groupes différents ont soutenu ces propositions. Cela prouve que la question n’est pas l’affaire d’un parti. La langue occitane n’appartient à personne, elle est un bien collectif.

Au cours du débat à l’Assemblée Nationale, comme au cours du débat au Sénat, le gouvernement s’est opposé à ces amendements mais il a fait une promesse par la voix de la ministre de la Justice. En effet, Rachida Dati a confirmé que, dans les mois qui viennent, la question des langues de France serait débattue.

Cela se fera, a expliqué la ministre, à l’occasion de la prochaine modification de la constitution voulue par le président de la République. Il s’agira de prendre en compte les propositions faites par la commission présidée par Edouard Balladur.

Nous enregistrons cette promesse avec l’espoir qu’elle sera tenue. Nous veillerons à la rappeler si son application devait tarder.

Nous appelons tous les parlementaires des régions où l’on parle la langue occitane à préparer ce débat afin qu’il débouche sur une loi qui donnera de vrais droits à notre langue pour qu’elle se développe.

L’IEO prendra contact avec les députés et sénateurs afin de leur rappeler quelles sont nos propositions et nos demandes en matière de présence publique de la langue, de télévision et de radio, d’enseignement, d’aide à la création culturelle. Nous rappelons que le 17 mars 2007, vingt mille personnes se sont rassemblées à Béziers pour demander que la législation progresse dans le domaine des langues.

L’État ne peut se décharger de ce problème sur les seules collectivités régionales ou départementales. Ce débat sera une chance historique pour la France car elle pourra enfin rattraper le retard immense qu’elle a accumulé dans le domaine de la promotion de la diversité culturelle et linguistique par rapport aux autres États européens.

David Grosclaude, président de l’Institut d’Estudis Occitans


Un còp de mai ! 

Une nouvelle fois la reconnaissance du patrimoine que constitue les langues régionales est remise aux calendes grecques : Voir l'éditorial.

Nous reproduisons ci dessous le débat au sein de la commission de l'assemblée nationale en charge de la préparation du congrès.



Compte rendu analytique officiel -
Séance du mardi 15 janvier 2008
3ème séance Séance de 21 heures 30

99ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président


Mme Marylise Lebranchu – Le nom de Simon Renucci a malencontreusement été omis de la liste des signataires de l’amendement 12, qui vise à prendre acte de la Charte européenne en faveur des langues régionales, signée le 7 mai 1999 mais non ratifiée en raison d’une décision du 15 juin 1999 du Conseil constitutionnel – saisi par le Président de la République – invoquant le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution. Nous espérons ainsi résoudre un problème auquel nous avons vainement tenté, lors de l’examen d’autres textes, d’apporter une solution.

Il s’agit, sans mettre en péril la République – dont la langue, le français, est protégée par cet article 2 –, de rendre justice à ceux qui furent humiliés par l’obligation, souvent imposée dès l’école primaire, de renoncer à leur langue maternelle – humiliation dont notre société porte encore la marque. Il s’agit en outre de permettre à la France de s’enrichir de ses cultures et de ses langues à l’heure où l’on parle volontiers de diversité. Du reste, le Président de la République a récemment déclaré vouloir encore étendre les créneaux horaires dont bénéficient déjà ces langues sur les chaînes de télévision régionales. Nous proposons donc de compléter le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution par les mots : « dans le respect des langues régionales qui font partie de notre patrimoine » (Applaudissements sur les bancs du
groupe SRC).

M. Michel Vaxès – Très bien !

M. Marc Le Fur – L’amendement 13 porte sur le même sujet, qui passionne nos concitoyens – comme le savent bien les élus de circonscriptions où les langues, l’identité, la culture régionales revêtent une importance particulière –, non seulement ceux qui parlent les langues régionales mais ceux qui, sans les pratiquer, y voient l’expression de leur identité et de leur culture. Il n’y a là nulle nostalgie, puisque ce sont les jeunes générations qui sont les plus attentives à ces questions, auxquelles les groupes de musique, mais aussi Internet, les ont sensibilisées.

Pourquoi aborder ces questions à l’occasion du débat sur la réforme constitutionnelle ? Parce qu’un débat serein sur la Charte présuppose de lever le veto que lui a opposé en 1999 – Mme Lebranchu l’a rappelé – le
Conseil constitutionnel. Tel est l’objet de cet amendement.

Contrairement à ce qu’objecteront certains, il ne s’agira pas de traduire dans les langues régionales les jugements des tribunaux ou les circulaires administratives : pour qu’un pays adopte la Charte, il lui suffit d’approuver 35 des 98 dispositions qu’elle contient – en l’espère, celles qui ne menaceront pas nos traditions et qui portent par exemple sur les médias ou sur l’enseignement, déjà fort, en Bretagne, en Alsace, au pays Basque, en Catalogne ou en Corse, de réseaux publics, privés ou associatifs. Il ne s’agira pas non plus d’ouvrir grand la porte aux langues de l’immigration (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), puisque la Charte ne porte que sur les langues locales.

On m’objectera sans doute aussi que ce n’est pas l’objet du débat. Mais ne nous penchons-nous pas sur un sujet européen par excellence ? Pouvons-nous nous satisfaire que la France soit, avec l’Italie, le seul Etat membre de l’Union à ne pas avoir ratifié la Charte ? Enfin, le Président de la République nous invite à nous enrichir de notre diversité ; de cette diversité, les langues régionales sont l’un des premiers éléments.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d’adopter l’amendement, qui ne vise pas à l’adoption de la Charte mais à la levée des obstacles constitutionnels préalables à son adoption. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur et président de la commission – La commission a exprimé un avis défavorable à ces deux amendements. D’une part, tout son travail a porté, depuis des semaines, sur la révision constitutionnelle indispensable à la ratification du traité de Lisbonne et sur ce la seulement.

D’autre part, le président de la République a pris l’engagement d’ouvrir un débat sur la réforme de nos institutions. Dans ce contexte, l’adoption des amendements me paraît tout à fait inopportune. En revanche, une réflexion se justifie pleinement sur les langues régionales, qui font partie de notre patrimoine et qui, à ce titre, doivent être préservées et transmises. Savoir s’il faut, pour autant, aller jusqu’à modifier la Constitution est une autre histoire, et je viens d’ailleurs d’entendre dire que les objectifs visés peuvent déjà être atteints.

Faut-il ratifier la Charte ? Si cela n’a pas été fait à ce jour, c’est que le texte comporte une seconde partie ainsi rédigée que, si nous le ratifiions, une majorité pourrait un jour donner le droit imprescriptible d’utiliser dans la vie publique une autre langue que le français – le voulons-nous ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)
Quoi qu’il en soit, la sagesse commande, aujourd’hui, de s’en tenir au chemin tracé, qui est de permettre la révision constitutionnelle, préalable indispensable à la ratification du Traité de Lisbonne. Le Gouvernement saura nous dire comment il envisage la suite, s’agissant des langues régionales, qui participent en effet de notre patrimoine commun, et si une révision constitutionnelle peut se concevoir – mais nul ne peut prétendre que tout serait par là même réglé.

La commission appelle l’Assemblée à rejeter ces amendements et à permettre la ratification du traité de Lisbonne, grande victoire pour la France et pour le Président de la République. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lequiller, président de la Délégation pour l’Union européenne – Je partage ce point de vue. D’autres questions « européennes » se posaient – celle du système de ratification de l’adhésion de nouveaux membres de l’Union – mais nous avons choisi de ne pas les traiter aujourd’hui et de nous en tenir strictement à la révision de la Constitution nécessaire à la ratification du traité de Lisbonne. Restons-en là, et étudions ultérieurement la question des langues régionales.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Le Gouvernement exprime un avis défavorable sur les amendements, qui n’entrent pas dans le champ de la modification du titre XV de la Constitution qui vous est soumise, mais il s’engage à ce qu’un débat parlementaire ait lieu sur la délicate question des langues régionales.

M. le Président – Étant donné l’importance du sujet, je donnerai exceptionnellement la parole à un représentant de chaque groupe avant d’inviter l’Assemblée à passer au vote.

M. Pierre Méhaignerie – Partageant la conviction de celles et de ceux qui jugent nécessaires d’accorder une particulière attention à l’exigence de reconnaissance d’identité et de racines, j’ai cosigné l’amendement de notre collègue Le Fur. Mais, prenant acte de l’engagement du Gouvernement, je pense que nous ne devons pas brouiller le message européen, et je ne voterai donc pas l’amendement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – Un pas en avant, deux pas en arrière !

M. Jean Lassalle – J’observe que ce n’est jamais le bon moment d’aboutir à un texte que nous aurions pourtant dû adopter il y a déjà longtemps ! Le temps n’est-il pas enfin venu de rattraper ce grand retard en levant l’embargo qui empêche l’apprentissage des langues régionales en France ? C’est notre tradition, notre culture, notre patrimoine, et la France n’a pas à en rougir. S’il y a du souci à se faire, c’est plutôt au sujet de l’inexorable progression de l’anglais !

M. Jean-Jacques Urvoas – Alors que la diversité est une des richesses de la République, on nous dit toujours que le moment d’un tel débat est mal choisi. Les mêmes amendements ont été présentés, avec les mêmes arguments, le 24 janvier 2005, et le Gouvernement de l’époque a pris le même engagement : « on en discutera plus tard » ! Pourtant, est-il sujet plus européen ? Sait-on que, depuis 1993, tout Etat adhérant à l’Union doit obligatoirement signer la Charte…

M. Jean-Luc Warsmann – C’est inexact.

M. Jean-Jacques Urvoas – …que la France a elle-même signée en 1999 ? Pendant que nous tergiversons et repoussons la discussion, les langues régionales sont peu à peu menacées d’extinction. Je plaide donc en faveur de l’adoption des amendements et de la modification de la Constitution à ce sujet (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, GDR et UMP)

M. Michel Vaxès – Comme cela a été rappelé, la question a été abordée le 24 janvier 2005. A l’époque, il nous avait été dit que, certes, le sujet était intéressant mais que les divergences au sein des différents
groupes au sujet de la composition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie – objet du débat général – étaient telles que des incertitudes pesaient sur l’aboutissement de la révision constitutionnelle. Aujourd’hui, l’issue du scrutin est certaine. Quel risque prendrions-nous à suivre Mme Lebranchu, alors que nous venons d’entendre dire, sur tous les bancs, que les langues régionales font partie de notre patrimoine culturel et qu’à ce titre elles doivent être préservées ? Inscrivons-le dans la Constitution ! Comme les autres élus communistes, unanimes, je soutiendrai l’amendement 12 avec beaucoup de conviction.

Les amendements 12 et 13, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.


Voir le site WEB de l'assemblée nationale



M. Jean-Luc Mélenchon :  Parce que c'est nous ! La profondeur d'une telle réflexion laisse sans voix. Mais finalement quoi de plus normal dans la bouche d'un Jean-Luc Mélenchon. Ah au fait on supprime quand le sénat au profit d'une assemblée des régions?

Sénat
Compte rendu analytique officiel du 29 janvier 2008
Titre XV de la Constitution (Suite)

Discussion générale (Suite)
[...]
Discussion des articles
Article additionnel

Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par MM. Marc, Bel, Auban et Courteau, Mmes Y. Boyer, Bricq et Campion, MM. C. Gautier et Gillot, Mmes Herviaux et Jarraud-Vergnolle, MM. Josselin, Journet, Le Pensec, Lise, Miquel, Muller, Pastor, Piras et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Sutour et Mme Voynet.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 53-2 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Dans le respect du premier alinéa de l'article 2, la République française peut ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe. »

M. François Marc. - De nombreuses langues minoritaires et régionales sont en péril dans notre pays : l'occitan, le basque, l'alsacien ou encore le breton connaissent une diminution considérable du nombre de leurs locuteurs. Face à ce problème majeur, le Président Chirac avait insisté, le 2 février 2003, lors des rencontres internationales de la culture, sur l'importance d'une mobilisation pour enrayer la disparition des langues dans le monde. En effet, au rythme actuel, la moitié des langues aura disparu d'ici un demi-siècle. Cette perte serait incommensurable ! Avec la montée en puissance de la langue anglaise, en Asie comme partout dans le monde, le sort du français lui-même sera peut-être en jeu dans quelques décennies...

D'où notre volonté de préserver ce patrimoine. Si nous voulons consolider les dispositifs éducatifs de transmission de ces langues et manifester l'engagement des pouvoirs publics dans ce sens, la signature de la Charte des langues régionales constituerait un signe incitatif. Le gouvernement Jospin avait signé certains articles jugés conformes à la Constitution. Aujourd'hui, la mise à jour de cette dernière dans le sens proposé permettrait de remédier aux difficultés que rencontrent ces langues. La langue française -dont nous tenons à réaffirmer d'ailleurs la suprématie en tant que garante de l'unité nationale- n'est ni remise en cause ni menacée. Au moment de la signature de la Charte, il était précisé que celle-ci serait ratifiée « dans la mesure où elle ne vise pas à la reconnaissance et à la protection de minorités, mais à promouvoir le patrimoine linguistique européen et que l'emploi du terme de groupe de locuteurs ne confère pas de droit collectif pour les locuteurs de langues régionales ou minoritaires ». Ce qui est en cause, c'est la reconnaissance officielle de la diversité culturelle. Partout où cette question est traitée en Europe depuis une quinzaine d'années, elle est perçue comme source d'avancées démocratiques. Pourquoi ne serait-ce pas aussi le cas en France ?

M. Jean-Luc Mélenchon. - Parce que c'est nous !

M. François Marc. - Face au péril qui menace ces langues, l'adoption de la Charte leur apporterait quelques garanties. Ce n'est pas la première fois que nous présentons cet amendement ; on nous répond toujours que ce n'est pas le moment ou que le Gouvernement prendra des initiatives dans ce sens. Or, rien n'est fait. Notre démarche n'a rien de communautariste. Au contraire, elle se veut un remède à l'humiliation qui peut pousser certains à de telles dérives. Il est temps que le Parlement puisse traiter sereinement cette question !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Il fallait le dire en breton !

M. Patrice Gélard, rapporteur. - L'amendement apparaît en effet à chaque révision constitutionnelle, mais nous ne pouvons pas ratifier la Charte. En 1999, le Conseil constitutionnel a conclu à l'incompatibilité de certaines de ses dispositions avec la Constitution, tout en indiquant que ce n'était le cas d'aucun des trente-neuf engagements souscrits. Cela n'empêche pas la France de faire une place aux langues régionales : deux cent cinquante mille élèves du secondaire reçoivent des cours dans ces langues dont la place a d'ailleurs été accrue dans l'enseignement supérieur.

En revanche, le Conseil constitutionnel a jugé que l'adoption de la Charte conférerait des droits spécifiques aux locuteurs à l'intérieur des territoires où ces langues seraient pratiquées, portant ainsi atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'indivisibilité du peuple français.

M. Jean-Luc Mélenchon. - Excellent !

M. Patrice Gélard, rapporteur. - Elle ouvrirait également le droit à pratiquer une langue autre que le français dans la vie privée, mais aussi dans la vie publique, ce qui est aussi contraire à la Constitution. Un tel choix mérite un débat plus important, par exemple lors de la grande révision constitutionnelle du printemps prochain ! Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Les langues régionales ne sont pas l'objet du présent texte. Le Gouvernement n'entend d'ailleurs pas rouvrir pour l'instant ce débat : l'occasion s'en présentera à l'occasion de la prochaine révision constitutionnelle, comme le Premier ministre en a pris l'engagement à l'Assemblée nationale lors de la discussion d'un amendement similaire. L'enseignement des langues régionales est garanti en France. Aller au-delà serait reconnaître le droit de pratiquer, notamment dans les administrations, d'autres langues que le français, ce qui ne serait pas acceptable. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Roland Courteau. - M. Marc avait raison : ce n'est jamais le moment de d'adopter des dispositions qui permettraient de ratifier la Charte. Pourtant, le Président de la République ne nous invitait-il pas récemment à nous enrichir de notre diversité ? Or les langues régionales sont un élément fondamental de notre culture, de notre histoire et de notre patrimoine. Faute d'une reconnaissance officielle, elles sont menacées de disparition. L'an prochain, nous célébrerons l'année internationale des langues : adopter cet amendement constituerait un bon exemple.

M. Michel Charasse. - Au fond de ce débat sur les langues régionales, il y a un malentendu. Si nous voulons ratifier la Charte, il n'y a aucun inconvénient à le faire et nous n'avons pas besoin de modifier la Constitution, dès lors que ne sont pas concernées les dispositions qui lui ont été jugées contraires par le Conseil constitutionnel : sont concernés une partie du préambule, l'article 1A partie 1, l'article 1B et l'article 7, paragraphes 1 et 4. Les autres articles se bornent à reconnaître des pratiques qui ont déjà cours en France en faveur des langues régionales. Les articles faisant problème sont ceux qui portent atteinte à l'indivisibilité de la République, à l'égalité devant la loi et à l'unicité du peuple français.

Or, et je fais appel à la science juridique du doyen Gélard, lorsque conformément à l'article 54 de notre Constitution, le Conseil constitutionnel déclare qu'un traité n'est pas conforme, il a toujours ajouté, depuis 1958, que le texte ne pourra être approuvé qu'après révision de la Constitution. Pourquoi, pour la première fois, s'est-il écarté de cette formule intangible, pour se contenter de dire que la Charte des langues régionales comporte des clauses contraires à la Constitution ? Parce que toucher au principe d'indivisibilité de la République, d'égalité des citoyens devant la loi et d'unicité du peuple français, c'est toucher à la République, dont la forme ne peut faire l'objet d'aucune révision.

Comme je ne pense pas que mes amis socialistes aient l'intention de remettre en cause notre République, la commission des lois devrait prendre l'initiative de nous sortir de la mélasse de ce débat récurrent en proposant une rédaction autorisant la ratification de la Charte et celles de ses dispositions non déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Nous obligerions ainsi ceux qui, attachés aux langues régionales, ont l'impression que l'on ne veut rien faire, tout en préservant la République dans ses fondements institutionnels les plus précieux.

M. Jacques Muller.  - Bonsoir à tous, solu binander ! (Sourires) Les langues et cultures régionales, que l'on qualifie de minoritaires, appartiennent au patrimoine vivant de la France et de l'Europe. Loin de porter atteinte à l'identité française, l'alsacien, le basque, le breton, le catalan, le corse, le créole...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Lesquels ?

M. Jacques Muller.  - ... le flamand, et les autres langues régionales...

M. Robert Bret.  - Et la langue d'oïl ?

M. Jacques Muller.  - ... la complètent, la renforcent, et l'enrichissent. Mais notre pays s'est construit, au long des siècles, sur la négation et la répression de ces langues et de ces cultures, au nom d'un universalisme abstrait et d'un jacobinisme dogmatique. (M. Mélenchon s'exclame)

Heureusement, de nombreuses régions ont pris des initiatives en faveur de l'usage des langues régionales qui, loin d'être l'expression d'un repli identitaire, sont un facteur d'enracinement et de cohésion sociale. L'identité nationale n'est pas une réalité univoque, monolithique, c'est une réalité complexe et vivante.

La France est un des rares pays, avec l'Italie, à n'avoir pas ratifié la Charte. Lors de récents débats à l'Assemblée nationale, le ministre s'était engagé à régler cette « délicate question ». Délicate pour qui ? La même promesse nous avait été faite en 2005, et nous n'avons rien vu venir. Cessons donc de reporter le débat et que le Gouvernement prenne ses responsabilités. M. Charasse a fait une proposition constructive, qui montre que l'obstacle opposé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 juin 1999 peut être levé. Sous-amendons l'amendement qui nous est proposé dans le sens qu'il a indiqué. (On s'amuse à droite) Nous avons perdu assez de temps.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Je ne voterai pas l'amendement, mais je tiens à dissiper un malentendu. Être hostile à la Charte n'est pas être hostile aux langues régionales (« Très bien ! » sur plusieurs bancs à droite) et je tiens à rappeler pour l'honneur de notre patrie républicaine que personne n'y interdit d'user de la langue de son choix en famille ou publiquement, de goûter la musique de son choix dans les nombreux festivals régionaux, et de se vouer librement à ce en quoi il croit.

Si la dispute porte sur l'application de l'ensemble de la Charte, alors nous butons sur une difficulté constitutionnelle, laquelle n'est pas d'ordre technique, mais philosophique.

M. Roger Romani.  - Très bien !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Il y a des Français, qui, par conviction philosophique, sont fondamentalement opposés à l'idée de doter des groupes de locuteurs de droits particuliers. Ce ne sont pas des jacobins dogmatiques, mais tout simplement des républicains. La France n'est pas essentialiste. Elle n'est pas la conjugaison de diversités. Elle est la communauté légale une et indivisible qui fait qu'entre l'État et la personne, il n'y a pas d'intermédiaire ; qui fait que nous sommes tous parties prenantes à la définition de la loi, laquelle s'applique à tous parce qu'elle est décidée par tous. Quiconque prétend y intercaler le droit particulier d'une communauté brise l'unité. Mes collègues doivent entendre, sans mépris, ce raisonnement.

S'il s'agit, en revanche, de n'appliquer que les dispositions qui n'ont pas été déclarées contraires à la Constitution, je dis que notre droit en a déjà retenu, avant même que la Charte ne les proclame, un très grand nombre. N'est-ce pas, ainsi, l'État républicain qui finance les postes pour l'enseignement de ces langues ? On peut considérer qu'il n'y en a pas assez, mais c'est un autre débat.

Et comment parler de langues régionales sans entrer dans leur définition ? Car de quel créole parle-t-on alors qu'il y en a sept ou huit ? Quant à la langue bretonne, admirable en bien des points, nous ne saurions la confondre, alors qu'il en existe cinq, toutes respectables, avec le manuel qui en concentre l'apprentissage, et dont l'auteur a, comme l'on sait, été condamné à mort par contumace. Cessons enfin de ne voir que des Bretons bretonnants, alors que beaucoup, qui se sentent suffisamment Français tout en étant Bretons, ne s'attachent pas à cette bataille.

Quelles langues régionales donc, et combien ? L'ancien ministre de la formation professionnelle que je suis sait que le vocabulaire technique manque. S'il ne s'agit que d'appeler une fusée fuseï, le jeu n'en vaut pas la chandelli ! Et que ceux que je ne traite pas de communautaristes ne me traitent pas de jacobin intransigeant, c'est un pléonasme ! (Rires à droite)

Rendre obligatoire l'usage des langues régionales dans les tribunaux ou la traduction des formulaires administratifs serait un rempart contre le communautarisme ? C'est le contraire ! Ne confondons pas notre République une et indivisible avec ces pays où l'on réprime, en effet, ceux qui ne parlent pas la langue officielle. Le français est une langue de liberté. Imposée par les rois, elle a pourtant facilité la libre circulation des opprimés sur tout le territoire de la République. La langue française est une langue de liberté, qui reconnaît la liberté de toutes les langues. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche et à droite)

M. Nicolas Alfonsi.  - J'ai appris le corse avant le français, que je continue de pratiquer difficilement (Sourires)

Si j'incline à suivre les arguments de M. Charasse, ils ne m'interdisent pas de poser une question aux auteurs de l'amendement. Comment concilier le respect du premier alinéa de l'article 2 de notre Constitution avec les multiples dispositions de la Charte, dont beaucoup, M. Mélenchon l'a rappelé, sont déjà appliquées ?

Si je n'écoutais que mon coeur, je voterai des deux mains cet amendement. Mais je m'interroge sur ses conséquences. Comment ne pas comprendre les réticences du Conseil constitutionnel à la lecture du chapitre 9 de la Charte, relatif à la justice ? Exigera-t-on, devant les tribunaux, autant d'affidavit qu'il y a de langues régionales ? Faudra-t-il, de même, traduire tous les documents administratifs ? Mais qu'est-ce que la langue de la République sinon celle qui s'applique à la vie administrative ?

D'où ma perplexité. La solution serait sans doute législative, et consisterait à extraire de la charte les points qui permettraient de trouver un accord général.

Si l'amendement était retiré, cela nous rendrait service. (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Marc. - On pourrait dire beaucoup de choses sur l'histoire de la France et de ses langues.

M. Jean-Pierre Bel. - Et beaucoup de contre-vérités !

M. François Marc. - Oui, et nous en avons entendu ce soir ! En réalité, les langues régionales minoritaires sont en train de disparaître dans notre pays. Selon les prévisions de l'Unesco et d'autres organisations internationales, la moitié des langues devraient s'éteindre durant les trente prochaines années dans le monde.

Dans nos régions, 2 % au plus des enfants apprennent à devenir des locuteurs réguliers de langues régionales. Cela ne risque pas de mettre en danger l'unité de la République ! La déclaration de la France précisant que l'on pouvait ratifier la charte, signée sous le gouvernement Jospin - gouvernement auquel appartenaient certains de nos collègues- prenait des précautions pour éviter que le texte ne serve à reconnaître ou protéger des minorités. Si la charte était adoptée, la préservation de notre patrimoine linguistique serait assurée.

Nous voulions faire avancer les choses en ce sens. Madame le garde des Sceaux, pouvez-vous confirmer votre engagement de débattre de cette question très prochainement ? Cela serait préférable à l'adoption d'un amendement prévoyant des propositions nécessitant un réexamen. Cela fait six ans que l'on nous répond en remettant cette question à plus tard : votre engagement nous laisserait espérer une solution acceptable pour les mois à venir.

Mme Rachida Dati, garde des Sceaux.  - Je vous confirme ce que je vous ai dit tout à l'heure. Nous aurons ce débat lors de la révision constitutionnelle qui suivra les travaux du comité Balladur.

M. Philippe Richert. - Pour compléter l'intervention de M. Muller, je précise que je suis un ardent défenseur des langues régionales et, comme M. Alfonsi, j'ai appris - nous l'appelons le dialecte- l'alsacien avant le français. Cependant, il s'agit d'abord d'une affaire familiale. De nombreux donneurs de leçons n'ont jamais appris la langue régionale à leurs enfants.

Notre préoccupation, aujourd'hui, est de faire avancer l'Europe et d'adopter le traité de Lisbonne, dont je suis un fervent partisan. Le Bas-Rhin, comme toute la région Alsace, est très favorable à l'apprentissage des langues régionales, mais cette question n'a pas sa place dans notre débat de ce soir. Et il faudra associer le ministre de l'éducation nationale aux discussions à venir sur ce point.

Voilà pourquoi, quoique défenseur des langues régionales, je ne suis pas favorable à cet amendement. (Applaudissements à droite)

M. François Marc. - Les auteurs de l'amendement souhaitent que l'amendement soit maintenu.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°5 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants     259
Nombre de suffrages exprimés     251
Majorité absolue des suffrages exprimés     126
Pour l'adoption     29
Contre     222

Le Sénat n'a pas adopté.

Voir le site WEB du sénat



Voila la lettre envoyée à tous les députés et sénateurs de Provence, par Région Provence, fédération Provençale du Partit Occitan. N'hésitez pas à les contacter pour soutenir cette initiative!

La Constitution doit assurer la protection des langues régionales


Madame, Monsieur le Député,
Madame , Monsieur le Sénateur,


Dans les prochains jours le Congrès sera réuni en vue de ratifier le traité européen de Lisbonne. C'est une nouvelle occasion pour la France de se rapprocher du principe de diversité culturelle qui fait le fondement de l'Europe et des autres pays européens.

M. Marc Le FUR, député des Côtes d'Armor, nous a informé du dépôt d'un amendement pour permettre la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sous la forme d'un article 53.3 qui stipulerait que « la République française peut adhérer à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ».

Cet amendement reprend d'autres amendements déposés de façon constante depuis 1992 par des députés et sénateurs de gauche ou de droite soucieux de défendre la reconnaissance des langues régionales de France qui font partie du patrimoine de l'humanité et que la France a le devoir de préserver et de promouvoir conformément aux Conventions internationales qu'elle a déjà ratifiées (1).
En outre, cet amendement ne pourra que conforter l'adoption par la France du nouveau traité qui met les principes d'égalité, de dignité et de diversité culturelle et linguistique au coeur de ses valeurs (2).

C'est pourquoi nous vous demandons de soutenir cette nouvelle initiative et surtout de participer au vote lors du débat qui, à l'Assemblée nationale, doit avoir lieu le :
mercredi 16 janvier dans l'après-midi ou en soirée.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur le Député, le Sénateur, mos salutations les meilleures.


(1) La France a été récemment à l'initiative de deux grandes conventions de l'UNESCO pour la Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003) et pour la Protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005). Ces conventions font obligation aux Etats de défendre la diversité culturelle et linguistique sur leur territoire.

(2) Dans ses principes, le traité de Lisbonne affirme que l'Union est fondée sur des valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités (article 1bis).
En son article 3 l'Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen ».
La Charte des droits fondamentaux affirme l'égalité en droit des personnes (article 20), la non discrimination, notamment par rapport à la langue (article 21) et le respect de la diversité culturelle et linguistique (article 22).
Or, en n'accordant aux langues régionales de son territoire aucun droit ni aucune protection juridique, contrairement aux pays voisins, la République française est en contradiction à la fois avec ses affirmations de principe dans sa politique extérieure et avec les principes européens.


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