Langues régionales : dans le titre XII de la constitution ?

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Mercredi 2 juillet 2008 - Séance de 10 heures  -
Compte rendu n° 72

[...] Évoquant la question des langues régionales, il [le rapporteur] a estimé souhaitable de réintroduire la disposition adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, mais de la faire figurer dans le titre de la Constitution relatif aux collectivités territoriales.

[...] Article 1er A (art. 1er de la Constitution) : Langues régionales : La Commission a maintenu la suppression de cet article.

[...] Article additionnel après l’article 30 sexies (art. 75-1 [nouveau] de la Constitution) : Langues régionales :

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur indiquant que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France, conformément à la position de l’Assemblée nationale en première lecture.

Après avoir rappelé que le Sénat s’était massivement opposé, aussi bien dans la majorité que dans l’opposition, à la consécration des langues régionales dans la Constitution, M. Jean-Paul Garraud a jugé inopportun de mentionner les langues régionales dans la Constitution, tout en reconnaissant qu’elles font partie du patrimoine de la France. Il a jugé qu’une telle mention revêt un caractère déclaratif et s’est interrogé sur l’éventualité d’inscrire dans la Constitution d’autres composantes du patrimoine, telles que la gastronomie. Il a craint que l’inscription dans la Constitution ait des effets juridiques imprévus, en permettant notamment aux collectivités territoriales d’adopter des actes relatifs aux langues régionales, ce qui crée un risque d’enfermement régionaliste et communautariste. Il s’est également interrogé sur l’hypothèse de futures revendications concernant les langues minoritaires parlées par les personnes d’origine étrangère. Après avoir rappelé que le Conseil constitutionnel a considéré que la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires contreviendrait aux principes d’unicité du peuple français, d’indivisibilité de la République et d’égalité des citoyens, il a regretté que l’amendement tente de contourner cet obstacle alors même que de nombreuses dispositions de la Charte sont déjà appliquées. Il a conclu que la promotion des langues régionales ne relève pas de la Constitution, en rappelant que le Gouvernement a annoncé le dépôt d’un projet de loi sur ce sujet.

M. Noël Mamère a au contraire regretté que la disposition sur les langues régionales ne figure pas à l’article 2 de la Constitution. Il s’est par ailleurs prononcé en faveur de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Enfin, il s’est inquiété des tentatives tendant à faire croire que la défense des langues régionales mettrait en danger l’unité nationale. De même, il a estimé qu’il n’est pas acceptable de stigmatiser, sans oser les citer, des langues pratiquées en France par de nombreuses personnes issues de nos anciennes colonies, comme l’arabe.

M. Dominique Raimbourg a considéré que l’inscription des langues régionales dans la Constitution n’aurait pas seulement un caractère déclamatoire, mais aurait aussi des effets juridiques. Pour autant, il s’agira également d’un symbole important. Il a aussi estimé que la langue française était devenue une langue minoritaire sur la scène internationale et que ceux qui défendent notre langue doivent donc aujourd’hui se faire les protecteurs des langues minoritaires.

M. Claude Goasguen s’est dit choqué par certains des propos qu’il avait entendus lors des débats au Sénat. Comparer les langues régionales à la gastronomie n’est pas acceptable pour la mémoire des nombreux soldats morts pour la France qui ne maîtrisaient pas le français. L’adoption de cette disposition sera sans conséquence sur la ratification de la Charte européenne, qu’il n’est pas question de mettre en œuvre, mais permettra au Parlement d’adopter une loi sur les langues régionales qui ne soit pas censuré par le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a également estimé que le vote d’une loi sur les langues régionales nécessitait une révision préalable de la Constitution. Quant à la défense légitime de la langue française, elle est assurée par l’article 2 de la Constitution.

Mme George Pau-Langevin a regretté que certains s’opposent à cette disposition en niant l’identité de beaucoup de nos compatriotes. Ce n’est par ailleurs pas le breton ou l’occitan qui menacent l’usage de la langue française, mais bien plutôt l’anglais.

M. Jean-Paul Garraud a tout d’abord indiqué qu’il était conscient de la valeur et de l’importance des langues régionales. Il a ensuite fait observer que l’objectif de la disposition était bien d’accorder des droits aux locuteurs des quelque 80 langues régionales de France. Si ceux-ci exigent par exemple la traduction des décisions de justice par les tribunaux, pourra-t-on s’y opposer ?

La Commission a ensuite adopté l’amendement.

Après l’article 30 sexies :

Compte tenu de l’adoption de l’amendement précédent, la Commission a rejeté deux amendements présentés par M. Noël Mamère et par M. Victorin Lurel inscrivant la référence aux langues régionales à l’article 2 de la Constitution et un amendement de M. Noël Mamère autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cloi/07-08/c0708072.asp#P8_359