Les élections israéliennes - Pourquoi les Israéliens ont voté pour Kadima
Par Akiva Eldar Publié par Haaretz (Israël) 13 Février et en français par Courrier international
Donné
perdant par les sondages, laminé par les échecs et la corruption, le
parti de Tzipi Livni arrive néanmoins en tête du scrutin. Cette courte
victoire ne lui permettra pas nécessairement de former un gouvernement,
mais elle constitue une vraie surprise.
La phrase
suivante aurait pu être écrite peu avant la fermeture du scrutin : [le
parti de centre droit de Tzipi Livni] Kadima n’est pas seulement une
surprise, Kadima est un phénomène. Quand, il y a trois ans, Ariel
Sharon, son fondateur, est tombé dans le coma peu après sa création,
certains avaient prédit que le parti disparaîtrait dans les abîmes de
l’Histoire. Ils affirmaient qu’Ehoud Olmert était arrivé au pouvoir en
s’accrochant aux basques de Sharon et que c’était le départ de la bande
de Gaza et l’évacuation relativement tranquille du Goush Katif [été
2005] qui avaient propulsé Kadima au sommet. Tzipi Livni, une femme qui
n’est entrée que récemment en politique, a su mener Kadima jusqu’en
finale. Elle a contraint Benyamin Netanyahou, qui était en tête dans
les sondages, il y a encore deux semaines, à se battre comme un fou
jusqu’au jour du scrutin. Kadima, qui a commencé avec une promesse de
big bang et a rassemblé des personnalités expérimentées de tous
horizons, a également distancé le Parti travailliste, formation qui a
fondé le pays.
Qu’ont donc accompli Livni et son équipe pour que
les électeurs, ces mêmes électeurs qui les soutenaient il y a trois
ans, les préfèrent au Likoud, au Parti travailliste et au Meretz ? Il y
a deux ans et demi, ils ont provoqué l’apparition d’un million de
réfugiés dans leur propre pays avec une guerre [contre le Hezbollah
libanais] qui a fait plus de 160 morts et s’est terminée par une
commission d’enquête qui les a taillés en pièces. Du désengagement, des
négociations avec Mahmoud Abbas et des colonies illégales, il ne reste
que des titres dans de vieux journaux. La promesse que le retrait de
Gaza assurerait la sécurité des villes de l’ouest du Néguev a volé en
éclats avec les missiles Grad qui ont frappé le centre du Néguev. Le
Hamas a pris le pouvoir dans la bande de Gaza et étendu son influence à
la Cisjordanie. Et [le soldat israélien aux mains du Hamas] Gilad
Shalit est toujours prisonnier.
Kadima a surfé sur le dégoût
provoqué par les décisions – publiques et secrètes – du Likoud et le
désir d’avoir un gouvernement propre. Il a survécu aux nombreuses
enquêtes sur le Premier ministre, à la condamnation du vice-Premier
ministre Haïm Ramon, à la mise en accusation du ministre des Finances
Abraham Hirschson et au procès de l’ancien ministre Tzachi Hanegbi. On
a du mal à comprendre ce qui attire les masses israéliennes vers
Kadima. Peut-être est-ce parce que la mémoire collective est courte ou
peut-être est-ce que le "succès" de l’opération Plomb durci
[l’offensive israélienne de janvier 2009 à Gaza] a fait oublier la
mascarade de la deuxième guerre du Liban. Peut-on s’attendre à ce que
tout le monde se rappelle que le Premier ministre n’est plus élu au
suffrage direct ? Ceux qui l’ont oublié doivent se souvenir qu’ils ne
votent pas uniquement pour le chef d’un parti mais pour un parti dans
son ensemble, avec sa politique et son idéologie.
Ou peut-être
que le secret de Kadima réside dans la formule qui avait permis au
stratège Reuven Adler de mener Sharon et Olmert au pouvoir et qu’il a
répétée pour Livni : Tuez le plus d’Arabes possibles et parlez de paix
le plus possible.
L’extrême droite raciste en arbitre en Israël
Kharroubi Habib - Le Quotidien d’ORAN
Qu’il
soit dirigé par Tzipi Livni, la chef du parti du Centre droit, Kadima,
ou par Benjmain Netanyahu, qui est celui du Likoud plus à droite, le
futur gouvernement Israélien sera sous influence déterminante de
l’extrême droite qui, tous partis confondus, a fait une spectaculaire
percée électorale aux législatives et se place ainsi en arbitre décisif
des orientations des futures politiques de l’Etat hébreu.
Compte
tenu du système électoral d’Israël, dont les dispositions empêchent
tout parti d’atteindre seul une majorité parlementaire le dispensant de
passer par la constitution d’une alliance en vue de gouverner, les
résultats obtenus par les deux formations Kadima et le Likoud leur
font, par conséquent, obligation à chacun de se trouver des alliés pour
former cette majorité parlementaire et prétendre ainsi diriger le
nouveau gouvernement israélien.
Ce qui ne sera possible pour
l’un et l’autre que si les partis d’extrême droite incontournables en
nombre de sièges acceptant de s’intégrer à la coalition qu’ils leur
proposeront. Arrivé en tête en terme du nombre de sièges Kadima et
Tzini Livni, son chef, ne seront pas forcément en charge du prochain
gouvernement israëlien ceci pour la raison que la majorité Knesset
étant nettement déportée vers l’extrême droite, le Likoud de Netanyahu
a plus de chance d’attirer à lui les appoints qui lui permettraient de
former le nouvel exécutif.
Il est même un autre scénario pouvant
se produire : celui qui verrait Avigdor Liberman, leader du plus
important parti d’extrême droite, le « Israël beïteinou », accéder au
poste de Premier ministre à travers la construction d’une majorité
parlementaire et de gouvernement qui surmonterait la rivalité à
laquelle se livrent le Kadima et le Likoud.
Toute combinaison
politique qui verra le jour en Israël suite à ces élections
législatives sera indubitablement marquée par le poids qu’aura
l’extrême droite dans la conduite de la politique du pays. Une extrême
droite au discours et au programme racistes et fascistes sans
équivoque. Ce qui ne semble pas déranger ou interpeller les «
consciences » en Europe et aux Etats-Unis. Elles qui, par ailleurs, ont
été promptes à dénoncer et à ostraciser des gouvernements d’autres pays
où des situations semblables se sont produites.
Il faut rappeler
pour l’exemple la levée de boucliers de ces milieux contre l’Autriche
quand la droite et l’extrême droite, celle-ci représentée par le parti
populiste de Heider, s’étaient alliées pour former leur coalition
gouvernementale : Liberman et son parti « Israël beiteinu » a fait
campagne sur le thème de l’épuration ethnique visant à chasser d’Israël
la minorité arabe qui en a la nationalité. Les juifs ultra orthodoxes
réunis dans l’autre parti d’extrême droite « le shass » ont fait la
leur sur celui que « le seul bon Arabe est un Arabe mort ».
Et
ces deux partis sont entendus puisqu’ils ont obtenu des scores
électoraux qui leur donnent la capacité d’infléchir la politique de
l’Etat hébreu. Cela ne pose pas problème à l’évidence aux démocraties
occidentales qui fermeront les yeux sur la dérive qui s’est produite en
Israël et continueront à « marchandiser » l’impeccabilité de la
démocratie en ce pays.
À quoi sert le parti travailliste?
Par Denis Sieffert, Pauline Baron Politis (France) jeudi 19 février 2009
Historien
de renommée internationale, spécialiste des nationalismes et homme de
gauche authentique, Zeev Sternhell analyse ici les causes du déclin du
Parti travailliste Israélien.
Le Parti travailliste israélien,
qui fut le parti des fondateurs du pays, vient d’enregistrer, avec 13
sièges, le plus mauvais score de son histoire. Comment expliquez-vous
ce qui est plus qu’une défaite, une déchéance ?
Zeev Sternhell : Ce
phénomène s’explique par différents éléments. Le Parti travailliste
connaît un processus de glissement électoral vers le bas depuis de
nombreuses années. En dix ans, il a perdu environ la moitié de son
électorat. Mais ce processus est encore plus profond. Ce parti a perdu
sa spécificité. Ne possédant aucune réponse véritable face aux
problèmes qui se posent dans la société israélienne, il ne parvient
plus à convaincre les électeurs du centre gauche. Il n’a ni la capacité
de proposer des réponses qui puissent constituer une solution de
rechange face à la droite, ni celle d’être à la hauteur des solutions
qu’il préconise.
Tout d’abord, le Parti travailliste n’a rien
fait pour la paix, même s’il en parle beaucoup. Il a apporté la preuve
qu’il était incapable de se mesurer au problème essentiel : celui des
colonies. La colonisation des territoires palestiniens s’est
poursuivie, même sous Ehud Barak, lorsque celui-ci était Premier
ministre, en 1999 et 2000, puis ministre de la Défense. Et cela de la
même manière qu’auparavant. Il n’y a pas de véritable différence entre
la politique menée par un travailliste et une politique menée par le
centre droit ou la droite. Le second élément concerne la politique
économique et sociale. Le Parti travailliste ne présente aucune
solution de rechange face au néolibéralisme sauvage tel qu’on le
pratique dans notre pays. Israël est devenu l’une des sociétés les plus
inégalitaires du monde occidental. Ce parti n’ayant aucune politique
spécifique sur le plan économique comme sur celui de la paix, on peut
se demander à quoi il sert encore.
Le Parti travailliste fait
face à un processus très comparable à celui connu par la SFIO en France
à la fin des années 1950 et dans les années 1960. Mais, il n’y a pas de
François Mitterrand en vue. Son problème correspond à l’absence de
leadership, depuis une trentaine d’années, et à la grande défaite de la
gauche en 1977. Jusqu’à présent, il n’a pas été capable de se remettre
debout. Le principal responsable est d’abord Shimon Pérès, qui a
lui-même glissé vers le centre droit. Non seulement la reconstruction
du parti n’a jamais eu lieu, mais elle n’a même jamais commencé.
Ce
qui fait qu’aujourd’hui on cueille les fruits d’un processus
d’autodestruction qui dure depuis pratiquement trente ans. Est-ce qu’il
y a à l’intérieur du Parti travailliste une force ou un personnage qui
vous semblent pouvoir incarner un redressement ? L’espoir d’un
redressement, suscité par l’arrivée d’Amir Peretz, a été balayé par la
guerre du Liban de 2006. En outre, l’élite dirigeante du parti lui
était opposée et n’a donc pas collaboré avec lui. Parce qu’il était
précisément un outsider qui arrivait à la tête du parti, beaucoup ont
espéré qu’il remettrait le Parti travailliste dans le droit chemin.
Cela ne s’est pas produit. C’est aussi le signe d’une sorte de
désespoir. Le parti aurait dû jouer le rôle d’une force d’opposition au
Likoud. La grande masse de ses électeurs potentiels n’y croyait pas ;
elle a donc voté pour Kadima, le parti centriste. N’oublions pas que le
pourcentage de votes est tombé de 80 % au début des années 2000 à 65 %.
Ces voix perdues viennent de la gauche et du centre gauche. La droite,
elle, continue de voter. Si les électeurs de gauche n’ont pas voté,
c’est parce qu’ils ne pensaient pas que la droite aurait une influence
sur le rapport de force. En fait, ils ne croient pas à la capacité de
la politique de changer la réalité.
Document
utile pour comprendre pourquoi le « camp de la paix » en Israël est
sinistré et pourquoi la gauche israélienne a été battue : la lettre
ouverte que NOA, chanteuse israélienne internationalement connue à
écrite début janvier aux GAZAOUIS sous les bombes.
Imagine-t-on
le chanteur pacifiste Graeme HALLWRIGTH écrire en 1975 ce genre de
lettre aux Vietnamiens écrasés sous les bombes américaines pour leur
dire que tout leur malheur était dû aux «affreux communistes» ?
Imagine-on
Yves MONTAND, FERRAT ou Léo FERRE écrire la même chose en 1955-62 aux
Algériens pour leur demander d’aider l’armée Française à les
débarrasser des « fanatiques du FLN » ? NOA, elle,
l’a fait…
« 8 janvier 2009 - C’est avec le cœur lourd que
je m’adresse à vous aujourd’hui. Gaza est sous les bombes. Les enfants
de chaque coté de la frontière sont terrifiés, traumatisés, blessés en
leur chair et leur âme. La vie ! La vie n’est plus.
Comme tout cela
nous est familier, mes frères. J’ai assisté à tant d’opportunités
manquées, oh combien manquées, combien d’occasions perdues. Et
aujourd’hui, aujourd’hui je veux vous dire cela : nous avons un ennemi
commun, un abominable ennemi commun et nous devons œuvrer tous ensemble
pour le supprimer ! Cet ennemi, mes amis, se nomme le fanatisme ! Cet
ennemi, ce sont tous ces hommes qui placent Dieu au dessus de l’âme
humaine et de la vie. Maintenant je vois l’immonde visage du fanatisme,
je le vois grand et infâme, je vois ses yeux noirs et son sourire
glaçant, je vois le sang sur ses mains et je connais un de ses nombreux
noms : Hamas.
Vous savez qu’il est xénophobe et violent, vorace et
égoïste, il se nourrit de votre sang et scande le nom d’Allah sans
cesse Il se tapit tel un voleur, se sert des innocents comme de
boucliers humains, utilisent vos mosquées pour entreposer ses armes, il
ment et joue, vous utilise, vous torture, vous prend en otage. Je sais
que vous souffrez d’être retenus en otage par ce démon. Je sais de quel
coté penche votre cœur. C’est exactement du même coté que du mien, pour
mes enfants, pour ma terre, avec le ciel, la musique et L’ESPOIR !!
Vous ne désirez rien de cela mais vous n’avez guère d’autre choix Je
sais qu’au fond de votre cœur vous espérez et souhaitez la disparition
de cette bête appelée Hamas qui vous a terrorisé, assassiné, qui a fait
de Gaza le terreau de la pauvreté, des maladies et de la misère. Qui au
nom d’Allah vous a sacrifié sur l’autel sanglant de l’orgueil et de
l’avidité. Mes frères, je pleure pour vous. Je pleure pour nous aussi.
Je ne peux qu’espérer pour vous qu’Israël fasse le travail que nous
souhaitons tous, et qui vous débarrassera enfin de ce cancer, de ce
monstre appelé fanatisme.
Et puis, … alors, peut-être, Inshallah,
nous aurons encore une chance… une chance de tendre nos mains épuisées,
de nous regarder dans les yeux remplis de larmes et d’une voix
étranglée nous dirons : « Shalom. Salam. Assez. Assez mes frères… »
Avec un cœur brisé qui se désespère d’aimer Votre amie, Noa »
La Charte du Likoud ne reconnaît pas le droit d’exister pour la Palestine (extraits)
Frank Barat cite the Comment Factory, 30 janvier 2009
(…) Quelle a été la raison officielle donnée par Israël et la communauté internationale pour ne pas reconnaître le Hamas ?
La
raison avancée était que le Hamas refusait de reconnaître Israël et
qu’il avait une Charte appelant à la destruction de l’Etat juif.
Tout
le monde (politiciens et dirigeants des groupes de médias) a accepté
cela sans poser quelques questions importantes. Quel Israël le Hamas
devrait-il reconnaître ? Israël n’a pas encore déclaré quelles étaient
ses frontières. Le Hamas devrait-il reconnaître l’Israël de 1948 ?
L’Israël de 1967 ? L’Israël de 2009 avec son mur de l’apartheid, ses
colonies (la construction y a augmenté de 60 pourcent en 2008, l’année
du « Processus de Paix » d’Annapolis – selon un rapport de La Paix
Maintenant), avec ses citoyens arabes de seconde classe et avec
l’annexion de Jérusalem-Est ?
Tout observateur avisé aurait
aussi pu faire objection en rappelant que le Hamas (par la voix de
Haniyeh et de Meshal) a dit à plusieurs reprises qu’il était disposé à
accepter Israël comme entité politique à l’intérieur des frontières de
1967.
Il ne vous faut pas chercher beaucoup pour cela : cela a
été énoncé, entre autres, dans le Guardian et le Washington Post, ce
qui signifie qu’en acceptant une solution à deux Etats, le Hamas est
maintenant aligné sur l’essentiel de la communauté internationale.
Une
autre question n’a cessé de revenir. Il nous faudrait entendre que le
problème réside dans la Charte du Hamas. Quoi que Meshal ou Haniyeh
pussent être disposés à accepter, la Charte revenait les hanter en
permanence.
Mais qu’en est-il de la Charte du Likoud ? Avec
Netanyahou et son parti de droite prêts à accéder au pouvoir, il est
juste de chercher à en savoir un peu plus à leur sujet.
Le chapitre
« Paix et Sécurité » de la plateforme du Likoud, un document récent
(1999), commence par déclarer : « La paix est un objectif premier de
l’Etat d’Israël. Le Likoud renforcera les accords de paix existants
avec les pays arabes et s’efforcera d’aboutir à des accords de paix
avec tous les voisins d’Israël, dans le but d’arriver à une solution
globale du conflit arabo-israélien ».
Mais alors, à propos des
colonies, il poursuit ainsi : « Les communautés juives de Judée,
Samarie et Gaza sont la réalisation des valeurs sionistes.
La
colonisation du pays est l’expression claire du droit irréfutable du
peuple juif sur la Terre d’Israël et constitue un atout important dans
la défense des intérêts vitaux de l’Etat d’Israël. Le Likoud continuera
de renforcer et de développer ces communautés et il empêchera leur
déracinement ».
Voilà dès lors anéanti tout espoir d’une solution à deux Etats.
A
propos de l’autonomie palestinienne, le texte dit ceci : « Le
gouvernement d’Israël rejette catégoriquement l’établissement d’un Etat
arabe palestinien à l’ouest du Jourdain. Les Palestiniens peuvent mener
leur vie librement dans le cadre d’une autonomie mais pas en tant
qu’Etat indépendant et souverain. Ainsi par exemple, en matière
d’affaires étrangères, de sécurité, d’immigration et d’écologie, leur
activité sera limitée pour se conformer aux impératifs de l’existence
d’Israël, de sa sécurité et de ses besoins nationaux ».
Anéanti
cette fois tout espoir de voir un Etat palestinien souverain. Sur
Jérusalem : « Jérusalem est la capitale éternelle et unifiée de l’Etat
d’Israël et seulement d’Israël. Le gouvernement rejettera
catégoriquement les propositions palestiniens de division de Jérusalem,
y compris le plan de partage de la ville qui a été présenté au
Parlement israélien par les factions arabes et soutenu par de nombreux
membres du parti Travailliste et du Meretz ».
Voilà qui anéantit
toute chance de futures négociations de paix puisque Jérusalem-Est
comme capitale d’un futur Etat palestinien est une question non
négociable pour n’importe quel Palestinien.
Nous avons par
conséquent établi que la Charte du Likoud ne reconnaissait pas la
Palestine et n’acceptera pas un Etat palestinien souverain.
La toute
prochaine non reconnaissance du Likoud par la communauté internationale
et la mise en place d’un blocus contre Israël ne devrait dès lors pas
apparaître comme une surprise pour les Israéliens.
Et maintenant ? Gaza attend la reconstruction
Hassan Abou-Taleb publié le jeudi 19 février 2009 El AHRAM HEBDO (Egypte)
Qui
va reconstruire Gaza ? Comment la reconstruction sera-t-elle organisée
? Qui va assumer les coûts de la reconstruction, évalués à 3 milliards
de dollars ?
Quand les Palestiniens pourront-ils bénéficier d’un
programme clair, capable de les aider à éliminer les répercussions de
l’agression israélienne, qui a duré 3 semaines après un blocus féroce
de 2 ans ? Ces quelques questions viennent à l’esprit de tous ceux qui
réfléchissent à la reconstruction de Gaza. Et dont nous avons entendu
parler pour la première fois dans l’initiative égyptienne proposée 3
jours après le début de l’agression.
En plus du bilan énorme de
morts et de blessés évalués à 7 000 personnes, l’état des bâtiments
dans la bande est déplorable. En effet, 4 000 bâtiments, maisons et
établissements gouvernementaux ont été totalement détruits. Et environ
12 000 bâtiments, usines, ateliers artisanaux et écoles ont connu des
dégâts partiels. Cet état a engendré 600 tonnes de débris qui
nécessitent, selon des experts en architecture, environ 500 millions de
dollars pour leur soulèvement et transport.
Le dossier de la
reconstruction est un dossier compliqué et reste jusqu’à cet instant
ambigu. Personne ne sait encore si les habitants qui ont perdu leurs
propriétés recevront des indemnités ou bien ce sont seulement les
établissements publics qui seront reconstruits. Il est évident que
n’importe quelle évolution dans le programme de reconstruction dépend
d’une trêve sûre et d’un système concernant l’ouverture des points de
passage, de façon à permettre l’entrée des matériaux de construction
comme le ciment et le fer.
Il est connu que l’Egypte a invité
des Etats, des organisations internationales et des ONG à participer à
la conférence de la reconstruction de Gaza, qui sera tenue à Charm
Al-Cheikh en début de mars prochain. Un nombre d’Etats a déjà signalé
son intention de participer à la conférence. L’objectif annoncé est de
parvenir à un programme d’action pour la reconstruction en déterminant
les engagements monétaires que les Etats donateurs devront assumer. Or,
le point qui n’est pas encore clair est : qui dirigera le processus de
reconstruction ? Serait-ce une partie palestinienne, arabe ou
internationale ou bien toutes ces parties ensemble ? En plus de la
distribution des responsabilités et de la coordination des actions.
Certaines
voix avaient appelé à ce que la Ligue arabe crée un fonds pour la
reconstruction de la bande de Gaza, où seront versées toutes les sommes
consacrées à la reconstruction. Il lui incombera également d’appliquer
le programme avec transparence face à la communauté internationale. Or,
cette idée se heurte à la nécessité de l’existence à l’intérieur de la
bande de Gaza d’une partie palestinienne locale acceptée au niveau
international et qui devra coopérer avec la Ligue pour assumer la
mission importante de la reconstruction.
Il s’avère clair que la
reconstruction ne peut être réalisée sans une conciliation
palestinienne globale, qui nécessite la formation d’un gouvernement
d’unité nationale sous la houlette de l’Autorité palestinienne
internationalement reconnue. Donc, si la division palestinienne reste
comme elle l’est actuellement, la bande de Gaza d’un côté et la
Cisjordanie de l’autre, les organisations internationales n’accepteront
d’octroyer ni au Hamas ni à son gouvernement qui s’est retourné contre
l’Autorité palestinienne en juin 2007 des sommes énormes pour la
reconstruction de la bande.
Or, le gouvernement du Hamas n’est
reconnu ni par les Etats ni par les organisations internationales. Et
tant que cette situation politique persiste, le plan de reconstruction
ne pourra pas démarrer. Tony Blair, émissaire du Quartette, a
franchement annoncé que la discussion du dossier de la reconstruction
de Gaza restera reportée tant que le Hamas domine seul la bande.
Supposons
que certains pays et organisations acceptent de traiter avec le
gouvernement du Hamas en tant que gouvernement de fait accompli ou même
de gouvernement légitime, et par conséquent lui versent des sommes ou
envoient des matériaux de construction, Israël ne laissera rien passer
à l’intérieur de la bande puisque ce sont les forces israéliennes qui
dominent les points de passage. Donc, la levée du blocus et l’ouverture
des points de passage figurent parmi les mécanismes importants de la
reconstruction.
La reconstruction de la bande de Gaza dépend donc de
la résolution de nombreux problèmes, dont le plus important est la
formation d’un gouvernement provisoire chargé de refaire les élections
dans un climat de liberté et de concurrence, à condition qu’il soit
internationalement accepté avec la participation du Hamas sous la
direction de l’Autorité palestinienne.
Israël avait proposé
d’ouvrir les points de passage et de faire entrer 80 % des produits
nécessaires à la reconstruction à condition que les 20 % restants
dépendent de la conclusion d’un accord concernant la libération du
soldat israélien kidnappé Gilad Shalit.
Cette proposition a été
refusée par le Hamas et l’Egypte l’a approuvée dans sa décision.
Actuellement, des contacts sont effectués pour déterminer les noms des
prisonniers palestiniens à libérer dans le cadre de l’accord concernant
le soldat israélien. D’un autre côté, certaines institutions
internationales appellent à la création d’un fonds international où
seront déposées toutes les sommes, avec la participation à sa gestion
de la Ligue arabe et d’un représentant du gouvernement palestinien qui
sera formé dans le cadre de l’entente. Et ce fonds devra assumer la
responsabilité de la reconstruction selon un programme déterminé.
Certains avis estiment que ce fonds ne doit pas s’accaparer de
n’importe quels autres efforts locaux ou régionaux visant à aider les
Palestiniens à réparer rapidement les dégâts causés par la férocité de
la machine de guerre israélienne.
Tout dépend donc de la réussite
des efforts égyptiens visant premièrement à parvenir à l’accalmie,
deuxièmement à l’ouverture des points de passage et troisièmement à
faire réussir les efforts de conciliation. Et ce, à condition de
trouver le soutien de la part de la communauté internationale et du
gouvernement israélien. Cette question nécessite une intervention
américaine intensifiée pour garantir que le nouveau gouvernement
israélien respecte l’accord de trêve et la levée du blocus.
Un pas en avant, deux en arrière ; la paix reportée aux calendes grecques
Par Abir TALEB publié le 18 février 2009 El AHRAM HEBDO (Egypte)
Palestine-Israël.
Après des déclarations laissant croire à l’imminence d’un accord,
l’espoir de trêve s’éloigne de nouveau, Israël ayant durci sa position.
Un
raid israélien lundi à la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte
contre ce qu’Israël déclare être des tunnels de contrebande ; deux
roquettes lancées contre le sud d’Israël (selon des témoins) ; la
situation sur le terrain ne laisse pas entrevoir de véritables espoirs
d’une véritable trêve. Quoique « mineurs », ces incidents, qui
interviennent alors que les efforts diplomatiques en vue de consolider
la trêve se heurtent à d’importants obstacles, réduisent à néant, ou
presque, le vent d’optimisme de la semaine dernière. Alors que le
climat présageait que les efforts diplomatiques donneraient enfin leurs
fruits, la donne a de nouveau changé.
En effet, les négociations
en cours sur la trêve à Gaza ont fait face cette semaine à de nouveaux
obstacles, notamment la question de la libération du soldat Gilad
Shalit. Samedi, le Hamas a accusé Israël d’empêcher la conclusion d’une
trêve dans la bande de Gaza, après être revenu sur ses positions
concernant la durée d’un éventuel accord. Le Hamas dénonce « la marche
arrière (d’Israël) concernant la trêve. Ils (les Israéliens) ont
demandé une trêve sans limite de temps et non d’un an et demi comme
convenu », a affirmé dans un communiqué un porte-parole du Hamas, Fawzi
Barhoum. « Les récents raids à Gaza menés par Israël et son obstination
sont des obstacles placés par Israël devant les efforts (pour parvenir)
à une trêve », a-t-il ajouté, soulignant que son mouvement faisait
porter à l’Etat hébreu « la responsabilité des conséquences de cette
escalade dangereuse ».
Auparavant, le Hamas avait annoncé avoir
donné son accord pour une trêve de 18 mois dans la bande de Gaza contre
la levée du blocus imposé par Israël au territoire palestinien contrôlé
par le mouvement islamiste. Il était prévu que l’accord soit annoncé au
début de cette semaine. Mais depuis, c’est le silence. Le chef en exil
du Hamas, Khaled Mechaal, a d’ailleurs exprimé vendredi à Doha des
doutes sur une annonce prochaine par l’Egypte d’un accord de trêve avec
Israël, faisant part à l’AFP d’une « complication » dans les
négociations.
Côté israélien, il y a semble-t-il un changement
des priorités. Désormais, la libération du soldat Gilad Shalit, capturé
en 2006 par un commando palestinien, prime sur tout pour Israël dans
les négociations, a affirmé dimanche soir le premier ministre
israélien, Ehud Olmert. Elle prime même sur les objectifs que l’Etat
hébreu s’était fixés lors de son offensive contre le mouvement
islamiste Hamas dans la bande de Gaza. « En premier lieu, (la
libération de) Gilad Shalit, deuxièmement l’arrêt de la contrebande
(d’armes) d’Egypte vers la bande de Gaza et troisièmement, un
cessez-le-feu total », a déclaré M. Olmert, énumérant dans l’ordre les
exigences actuelles de l’Etat hébreu. Auparavant, Israël exigeait
uniquement des « progrès » dans les tractations pour un échange de
prisonniers permettant de libérer le soldat. Catégorique, Olmert a
lancé : «
Avant tout, nous voulons voir Shalit de retour dans
ses foyers, nous examinerons le reste après ». Le responsable israélien
a en outre de nouveau lié l’ouverture des points de passage vers la
bande de Gaza à la libération du soldat par le Hamas, qui contrôle
cette enclave palestinienne depuis juin 2007.
Seule note optimiste,
il a laissé entendre qu’Israël était désormais prêt à « payer beaucoup
» pour obtenir la libération du militaire, faisant allusion à la liste
de centaines de prisonniers palestiniens, dont le Hamas exige la
libération en échange de celle du captif. A ce sujet, il est également
question de la libération prochaine du dirigeant palestinien Marwan
Bargouthi, qui purge une peine de prison à vie en Israël. Une
libération qui devrait se faire dans le cadre de ces tractations.
Or,
le Hamas a fait savoir que, selon lui, la libération de Shalit était
liée à l’élargissement de prisonniers palestiniens détenus en Israël et
non à l’ouverture des points de passage. « Il n’existe aucun lien entre
les deux dossiers », a déclaré samedi le porte-parole de
l’administration du Hamas à Gaza, Taher Al-Nounou. Soufflant le chaud
et le froid, le Hamas a laissé planer le doute sur le fait que le
soldat soit toujours en vie. « Je n’ai pas d’informations suffisantes.
Peut-être que Shalit fait partie des enfants morts. Réellement je ne
sais pas », a affirmé au journal arabe Al-Hayat, basé à Londres, le
numéro deux du Hamas, Moussa Abou-Marzouq.
Le Caire consulte Riyad
Face
à ce durcissement de la position israélienne, l’Egypte, principal
médiateur, intensifie ses efforts diplomatiques. Le roi Abdallah
d’Arabie saoudite a ainsi reçu dimanche à Riyad le ministre égyptien
des Affaires étrangères, Ahmad Aboul-Gheit. Ce dernier, qui effectuait
une brève visite à Riyad en compagnie du chef des Services de
renseignements égyptiens, Omar Souleimane, a remis au souverain
saoudien un message du président Hosni Moubarak. Aucune déclaration
fracassante n’est sortie de cette entrevue. On sait uniquement qu’il
s’agissait d’une rencontre axée d’une part sur les négociations en
cours autour de la trêve, et d’autre part sur le dialogue entre le
Hamas et le Fatah. Concernant ce dernier point, un dialogue de
réconciliation entre le Hamas et le Fatah est prévu le 22 février au
Caire, où une réunion similaire qui devait se tenir en novembre avait
dû être annulée en raison de divergences persistantes. La mission des
deux émissaires égyptiens en Arabie saoudite est intervenue au
lendemain d’une visite à Riyad du premier ministre et ministre qatari
des Affaires étrangères, cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani, dont le pays
soutient le Hamas. L’Arabie saoudite avait accueilli en février 2007
une réunion entre M. Abbas et ses rivaux du Hamas qui avait permis la
conclusion d’un accord sur un gouvernement d’union nationale. Mais cet
accord s’était effondré avec la prise de pouvoir par le Hamas de la
bande de Gaza en juin 2007.
Gaza : l’Autorité palestinienne demande à la CPI d’enquêter sur des crimes de guerre israéliens présumés
AFP publié le dimanche 15 février 2009
Les
ministres de la Justice et des Affaires étrangères de l’Autorité
palestinienne ont demandé vendredi à la Cour pénale internationale
(CPI) de La Haye d’enquêter sur des "crimes de guerre" commis par
l’armée israélienne depuis 2002.
"Nous sommes venus aujourd’hui
apporter des documents qui montrent que la Palestine en tant qu’Etat
(...) est en mesure de saisir la Cour et de demander une enquête sur
les crimes commis par l’armée israélienne", a déclaré le ministre de la
Justice Ali Kachan devant des journalistes.
"Nous déposerons
encore d’autres documents sur les crimes de guerre et les crimes contre
l’humanité, pas seulement à Gaza lors de la dernière attaque
israélienne mais aussi de 2002 à aujourd’hui", a-t-il ajouté.
M.
Kachan, accompagné du ministre des Affaires étrangères Riad al-Malki, a
indiqué avoir été reçu pendant plus de quatre heures par le procureur
de la CPI Luis Moreno-Ocampo qu’il avait rencontré une première fois le
22 janvier.
L’offensive israélienne dans la bande de Gaza (27
décembre-17 janvier) a fait 1.330 morts palestinien. Côté israélien,
dix militaires et trois civils sont morts.
Le procureur Luis
Moreno-Ocampo avait indiqué le 3 février qu’avant qu’une enquête puisse
être ouverte, il fallait déterminer "si l’Autorité palestinienne a la
capacité légale pour accepter la juridiction de la Cour".
Il
avait précisé qu’il allait "analyser conformément au droit
(international)" la demande de l’Autorité palestinienne d’enquêter sur
des présumés crimes de guerre commis par Israël lors de son offensive
meurtrière dans la bande de Gaza.
"Notre président s’est rendu
récemment dans plusieurs pays d’Europe, en France, en Italie, en
Pologne et a été reçu en tant que président de la Palestine. Ses
visites étaient considérées comme des visites d’Etat", a souligné le
ministre des Affaires étrangères Riad Al-Malki.
L’Autorité
palestinienne avait déposé en janvier une déclaration au greffe de la
CPI reconnaissant la juridiction de la Cour. Le Statut de Rome, traité
fondateur de la CPI, stipule que seul un Etat peut accepter la
juridiction de la Cour. La CPI est compétente pour les crimes de
guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis depuis 2002. Elle
peut inculper un individu si les crimes ont été commis sur le
territoire d’un Etat partie ou si l’individu est ressortissant d’un
Etat partie. Israël n’est pas un Etat partie de la CPI [1].
La
CPI a reçu depuis qu’elle a ouvert ses portes, en juillet 2002, des
milliers de "communications" sur des crimes de sa compétence dans le
monde
[1] Israël ne reconnaît pas l’autorité de la Cour.
En outre
vient de sortir une Pétition internationale adressée à l’Assemblée
Générale des Nations unies, pour mettre en place un tribunal
international ad-hoc (spécialement mis en place) afin de juger les
crimes de guerre israéliens, notamment à Gaza Voir site de AFPS
Israël-USA : le rapport accablant d’Amnesty
Blog du Nouvel Observateur
Ce
matin (23 février), Amnesty International a publié un rapport
extrêmement détaillé sur l’origine des armes utilisées lors du conflit
à Gaza en janvier dernier (le document est ici en anglais).
Il est accablant pour les Etats-Unis.
Voici trois exemples de ce que les chercheurs d’Amnesty ont découvert sur le terrain.
- Les
bombes à phosphore qui ont, le 15 janvier, ont détruit un centre de
l’ONU à Gaza ont été fabriquées par l’entreprise Pine Bluff Arsenal
située dans l’Arkansas.
- sur
le lieu où trois infirmiers palestiniens et un enfant ont été tués le 4
janvier, ils ont touvé des fragments d’un missile Hellfire AGM114
produit par la firme Hellfire System qui est basée à Orlando, en
Floride et qui est une joint venture des géants américains de
l’armement Boeing et Lockheed Martin.
- Ils
ont aussi découvert des fragments d’une bombe très puissante à guidage
précis : la Mark 82 produite par la firme américaine Raytheon.
Amnesty
International détaille aussi l’origine, lorsqu’elle est connue, de
l’arsenal du Hamas (essentiellement la Chine, la Russie et l’Iran).
L’ONG demande une suspension de toutes ventes d’armes aux deux belligérants.
Elle
demande en particulier au président Obama que l’Amérique, qui en
fournit 95%, accepte un embargo provisoire sur les livraisons
militaires à Israël.
Il y a peu de chance qu’elle soit entendue.
"Pour une autre lecture de la guerre de Gaza"
Jean-François Legrain (Chercheur CNRS/Maison de l’Orient et de la Méditerranée-Lyon)
Publié le lundi 16 février 2009 sur le site de l’AFPS
Retour sur une sale guerre - Le sens de cette guerre
Seule
une autre lecture, en décalage avec les idées reçues habituellement,
permet, me semble-t-il, de donner une véritable cohérence aux
événements survenus autour de la question de la bande de Gaza et pas
seulement les plus récents.
Alors que l’armée israélienne s’est
retirée de la bande de Gaza au terme d’une offensive qui aura duré plus
de trois semaines (27 décembre 2008-21 janvier 2009) et fait quelque 1
330 morts et 5 450 blessés côté palestinien pour 10 soldats et 3 civils
tués côté israélien, il convient de revenir tant sur les justifications
de son déclenchement avancées par le gouvernement israélien que sur
l’approche de son bilan menée en termes de victoire palestinienne.
Seule
une autre lecture, en décalage avec les idées reçues habituellement,
permet, me semble-t-il, de donner une véritable cohérence aux
événements survenus autour de la question de la bande de Gaza et pas
seulement les plus récents.
Les justifications israéliennes : une "guerre" peut en cacher une autre
Le
gouvernement israélien a, d’une voix unanime, justifié son offensive
par la multiplication des tirs de roquettes revendiqués par Hamas
contre les régions sud d’Israël et le refus de celui-ci de renouveler
la trêve conclue en juin 2008 et arrivée à échéance le 19 décembre.
L’opération « Plomb durci » ne serait ainsi que la réponse de l’«
agressé », apportée au nom du « monde démocratique », à la « terreur »,
en l’occurrence islamique, et au régime « obscurantiste » instauré par
Hamas.
Les fondements de cette justification, reçue par les
gouvernements et la plupart des médias non-arabes, se trouvaient
pourtant ébranlés par les statistiques fournies antérieurement par
l’armée israélienne elle-même : le nombre de roquettes tirées entre
juillet et octobre 2008 tendait vers zéro, pour une moyenne de près de
180 par mois avant la trêve ; il dépassait à nouveau la centaine en
novembre pour s’amplifier face à la crise humanitaire engendrée par le
renforcement du blocus et documentée par les diverses agences des
Nations-unies (…)
La chronologie des faits permet de mettre en
évidence la responsabilité israélienne dans la dégradation des
conditions sécuritaires tant à Gaza qu’au sud d’Israël.
Le retrait
unilatéral de la bande de Gaza (et de quelques colonies du nord de la
Cisjordanie) en septembre 2005, en effet, n’a pas signifié la
libération de la bande de Gaza, d’ailleurs toujours considérée comme «
territoire occupé » au regard des conventions internationales. A
l’occupation directe s’est substituée la mise en place d’une nouvelle
forme de domination beaucoup plus oppressive car extérieure.
De plus
et pour la première fois, à travers la gestion du passage de Rafah
cette nouvelle domination jouissait du concours actif de l’Égypte et de
celui, souvent oublié, de l’Union européenne. Le blocus de la bande,
jamais levé en dépit des conditions de la trêve conclue à l’initiative
de Hamas en juin 2008, a constitué la matière explosive des violences
des derniers mois.
L’opération israélienne à l’intérieur même de
la bande de Gaza, qui s’est traduite le 4 novembre par la mort de 6
partisans de Hamas, a fourni le catalyseur qui devait mener à
l’explosion de la fin décembre.
La trêve, dont le principe restait
néanmoins d’actualité pour Hamas, était devenue dans les conditions du
moment quasi impossible à justifier par les responsables de Hamas
auprès de sa base.
L’offensive contre Gaza, loin de constituer
une simple réponse à la multiplication des tirs de roquettes par
ailleurs bien postérieurs au lancement de ses préparatifs, n’est ainsi
que le dernier avatar en date de la convergence politique observable
ces dernières années aux niveaux tant international que régional
–arabe, israélien et palestinien (Fatah et présidence).
L’arrivée
d’islamistes au pouvoir par la démocratie des urnes à l’occasion des
élections législatives palestiniennes de janvier 2006, insupportable
politiquement au président Abbas et aux régimes arabes réputés
"modérés" comme idéologiquement aux puissances occidentales, a été
utilisée par le gouvernement israélien, qui lui n’a aucune réticence à
traiter avec les islamistes (comme le montre le soutien qu’il a accordé
à leur développement en Palestine dans les années 1970), pour affermir
et réaffirmer son refus de toute expression institutionnalisée d’une
identité nationale palestinienne.
La diplomatie internationale,
au-delà des condamnations convenues sur la disproportion de la «
réponse » d’Israël, a de facto donné carte blanche à ce dernier pour
mener ses opérations au terme qui lui convenait(…)
Le 14 janvier,
se refusant à prendre de quelconques sanctions contre Tel-Aviv, l’Union
européenne se contentait de geler le processus de « rehaussement » de
ses relations avec Israël décidé le 9 décembre à l’initiative de la
présidence française ; cette décision avait sans aucun doute permis à
Israël de cultiver un sentiment d’impunité alors même qu’à l’époque le
Parlement européen avait décidé de reporter son vote sur la
participation d’Israël aux programmes communautaires face à la
poursuite du blocus de la bande de Gaza (…).
Tout indique pourtant
que l’offensive contre Gaza de 2008-2009 s’inscrit dans une logique
israélienne déjà ancienne consistant à tout mettre en œuvre pour
repousser sine die tout accord sur le fond avec les Palestiniens (plus
que la question de l’État de Palestine, c’est celle de ses
prérogatives, de Jérusalem et des réfugiés qu’Israël ne veut pas voir
trancher).
En 2005, Dov Weisglass, chef de cabinet du Premier
ministre Ariel Sharon, avait ainsi reconnu que le retrait unilatéral de
la bande de Gaza avait été conçu comme « la dose de formol nécessaire
pour qu’il n’y ait pas de processus politique avec les Palestiniens »
(Haaretz, 11 octobre 2005). En 1991, déjà, traîné par les États-Unis à
la Conférence de Madrid le Premier ministre de l’époque, Itzhak Shamir,
avait donné pour ordre à la délégation israélienne, dont le
porte-parole était Benjamin Nétanyahou : « Négociez, avec lenteur, sans
aboutir » (cité par Amnon Kapeliouk, Monde diplomatique, juillet 1996).
L’offensive contre Gaza s’inscrit dans une logique comparable : imposer
de facto la vision israélienne de la région et du monde à tous les
acteurs politiques impliqués en exploitant l’approbation dont Israël
bénéficie de la part de la communauté internationale au nom d’un
engagement commun dans la « lutte contre le terrorisme ». Au nom de la
survie de l’État juif menacé, Israël joue exclusivement des rapports de
forces à la seule fin du maintien de sa logique d’occupation militaire
et de colonisation (mais également du refus de la réouverture du débat
sur son identité -État juif ou État démocratique de ses citoyens ?).
Ainsi,
en terrassant « l’infrastructure terroriste » du « gouvernement Hamas »
avec le blanc-seing de la communauté internationale, c’était une
nouvelle fois le nationalisme palestinien et ses institutions
paraétatiques et sociales qui étaient visés sans que cette même
communauté internationale ne s’en émeuve. L’observateur y verra une
réplique des opérations israéliennes de 2002 qui, en mettant à bas
ministères et institutions de sécurité de Cisjordanie et, déjà, de la
bande de Gaza, avaient accéléré et amplifié les processus qui ont
ensuite conduit la Palestine au bord de la guerre civile.
En 2008,
au prix certes de l’avortement violent d’un putsch ourdi par certains
éléments de Fatah avec l’aide des États-Unis et d’une politique
comparable à celle des régimes autoritaires de la région, Hamas, même
sous blocus, était parvenu à assurer le retour d’une certaine paix
civile à Gaza et avait triomphé à faire respecter tant bien que mal un
véritable cessez-le-feu. C’en était sans doute trop. Hamas ne peut être
qu’irresponsable.
Aujourd’hui comme hier, c’est en réalité une
politique de destruction du leadership palestinien, représentatif et
aux affaires qui est menée(…)
Hamas, un pion dans une partie israélienne
Dès
la fin de l’opération « Plomb durci », plusieurs hauts responsables de
Hamas ou de sa mouvance (…) ont considéré que le cessez-le-feu et le
retrait israéliens constituaient une confirmation de l’échec militaire
et politique de l’offensive ; des analystes parmi les meilleurs ont
suggéré pour leur part un même constat, en apportant néanmoins quelques
nuances (…).
Mais une telle assertion, à distinguer de celle du
renforcement des capacités de mobilisation de Hamas, dépend des
objectifs fixés, l’anéantissement militaire et politique de Hamas étant
alors avancé.
La destruction de l’infrastructure militaire de Hamas,
si tant est qu’il soit possible d’éradiquer une guérilla appuyée sur
une population civile, aurait, cependant, nécessité une réoccupation
totale et prolongée de la bande de Gaza. L’hypothèse d’un retour à la
situation antérieure à 1994, quant à elle, avec le rétablissement d’une
occupation militaire directe et pérenne dotée d’une « administration
civile » israélienne en charge de la population palestinienne n’a pas
vraiment été envisagée.
Celle du rétablissement de Fatah, rêvé à
voix haute par certains hauts responsables fathaouis, en tant que
mandataire des mêmes charges, n’a pas plus été retenue ; elle aurait eu
pour corollaire l’éviction de Hamas hors de l’Autorité palestinienne (à
la différence de la tentative américaine de putsch de l’été 2007). De
facto Hamas était donc destiné à retrouver ses responsabilités
antérieures au déclenchement des hostilités face à une présidence et un
cabinet Fatah de Cisjordanie toujours plus discrédités auprès de la
population.
Victoire ou défaite, la réponse à la question dépend
donc des objectifs prétendument fixés. Or les dirigeants israéliens
n’ont à aucun moment fait état de buts clairs et unanimes à leur
offensive. Bien plus, des informations sur de véritables divergences au
sein même du cabinet et de l’armée à propos des mesures à prendre au
quotidien ont franchi les barrages de l’embargo sur l’information(…).
Divergences dans la tactique, cependant, et concurrence dans les enjeux
liés aux élections de la Knesset prévues en février (…), ne signifie
pas nécessairement désaccord au niveau stratégique.
Ainsi, au
delà de la réalité des destructions et des morts, après avoir été
illusionnés sur l’importance et la sophistication de la menace de Hamas
(la désinformation américaine sur l’Irak de Saddam Hussein a bien été
oubliée) ne serions-nous pas devenus parties prenantes d’une nouvelle
mise en scène israélienne, celle d’une victoire, partielle certes mais
réelle, de Hamas ?
Le cessez-le-feu israélien a bel et bien été
une décision totalement unilatérale et strictement politique. Ni la
résistance armée de Hamas (dont la faiblesse avérée renvoie à une
certaine réalité des capacités militaires du mouvement mais procède
aussi et surtout du concept de « guerre sans bataille » mis en œuvre
par l’armée israélienne dans le cadre de sa doctrine baptisée « dahiat
» et élaborée lors et à la suite de son offensive contre le Hezbollah
en 2006), ni l’endurance de la population palestinienne, ni l’appel du
Conseil de sécurité à un cessez-le-feu « immédiat », ni les menaces
arabes de retirer l’offre de paix de la Ligue n’ont compté.
Au
sortir de l’offensive, d’ailleurs, la capacité des divers groupes
militaires palestiniens (tant des mouvances islamistes, Hamas et Jihad
principalement, que nationalistes, Fath, Front populaire et Front
démocratique) n’a été que très partiellement et provisoirement
amoindrie : les tirs de roquettes se sont poursuivis jusqu’à la
proclamation palestinienne d’un cessez-le-feu conditionnel et
provisoire pour une période d’une semaine et ont repris ces derniers
jours faute de réouverture des points de passage entre Gaza et
l’extérieur au trafic des personnes et des biens.
Il est évident
pour tous les stratèges que l’opération israélienne, telle qu’elle a
été menée sous sa forme et dans sa durée, ne pouvait apporter la
sécurité aux régions sud d’Israël. La véritable pression israélienne,
d’ailleurs, s’est faite au niveau diplomatique pour un engagement
international à empêcher tout approvisionnement en armes de la bande de
Gaza (et Israël a obtenu gain de cause avec la signature le 16 janvier
d’un mémorandum israélo-américain sur la question et l’envoi en
éclaireur d’une frégate française le 23).
La logique militaire,
dès lors qu’elle ne peut plus passer pour assujettie à la destruction
des forces armées ennemies, relèverait plutôt de la terreur («Jénine à
la puissance 10 » en référence à la destruction de ce camp du nord de
la Cisjordanie en 2002) dans une totale déshumanisation de l’adversaire
(…). Énoncée en termes de « dissuasion » ou de « violence
disproportionnée », cette logique militaire se trouve articulée sur une
politique tout aussi réelle mais cachée.
Pour entretenir
l’alignement international sur sa politique unilatérale en matière
palestinienne, Israël mise depuis longtemps déjà sur la radicalisation
de ses adversaires, radicalisation au besoin suscitée par son propre
comportement. Les opposants aux politiques israéliennes, quels qu’ils
soient nationalistes ou islamistes, doivent être « les ennemis de la
paix » et la « modération » constitue une menace(…). En tirant leurs
roquettes, les Palestiniens, une nouvelle fois, auront été comme aux
échecs obligés par le gouvernement israélien de jouer un coup perdant.
Faute
d’avoir reçu l’aval du président Bush sur la mise en œuvre de ses plans
de destruction des infrastructures nucléaires iraniennes, le
gouvernement israélien, en guise de « compensation » et juste avant le
passage du flambeau présidentiel à Barack Obama, a pu réaffirmer sa
détermination à défendre quel qu’en soit le prix sa position d’unique
superpuissance régionale.
Une telle approche amène inexorablement à
s’interroger sur les événements de l’été 2007 quand, le 14 juin, les
forces régulières du ministère de l’Intérieur et irrégulières de Hamas
(Brigades Ezzedin al-Qassam) sont passées à l’offensive et ont pris le
contrôle des QG de l’ensemble des forces de sécurité liées à la
Présidence et à Fatah dans la bande de Gaza. Hamas répondait ainsi, la
veille de son exécution programmée, à une tentative de putsch ourdie
par les États-Unis et certains éléments de Fatah contre l’Autorité
palestinienne issue de la victoire de Hamas aux législatives.
Les
objectifs, les moyens et le calendrier de ce putsch, dont les maîtres
d’œuvre étaient le général Keith Dayton, responsable au sein du
Département d’État américain de la coordination en matière de sécurité
avec la présidence palestinienne, et Muhammad Dahlan, le tout nouveau
responsable du Conseil de sécurité nationale présidé par Mahmoud Abbas,
avaient été révélés dans une fuite vers la presse israélienne (…)
Rien
n’interdit aujourd’hui de penser qu’informés du niveau d’incompétence
des forces fathaouies, les plus hauts échelons de l’establishment
israélien aient décidé de précipiter par une fuite une victoire
militaire de Hamas qui aurait l’« avantage » d’affaiblir encore plus le
leadership de Mahmoud Abbas, de consacrer la scission géographique et
politique entre la bande de Gaza et la Cisjordanie et d’obtenir le
soutien unanime de la communauté internationale à une politique
anti-palestinienne habillée en politique anti-terroriste. La
résurrection du vieux principe du « diviser pour mieux régner »,
qu’Israël avait déjà mis en œuvre dans les années 1970 pour accompagner
la montée en puissance des Frères musulmans face à l’OLP, se serait
cette fois-ci articulée sur l’instrumentalisation de la radicalisation,
même si cela impliquait de torpiller, au moins partiellement, un plan
américain auquel il était associé.
La paix repoussée sine die
Sur
le fond, la politique israélienne sortirait ainsi vainqueur de
l’offensive contre Gaza dès lors que « les réalités sur le terrain sont
plus hostiles que jamais à un processus de paix » (Robert Malley
interviewé par Philippe Grangereau, « Reconstruire Gaza, une priorité
absolue », La Libre Belgique, 26 janvier 2009). Les débats sur
l’ouverture ou non du dialogue avec Hamas et sur ses conditions
préalables ne sont que tergiversations de la part de la communauté
internationale.
Sur le fond, seule la création d’un État
palestinien doté de toutes ses prérogatives aux côtés de l’État
d’Israël, avec une « solution juste au droit des réfugiés » telle que
l’ONU l’a traditionnellement envisagée, appuyée sur la présence d’une
force internationale, pourrait amener un véritable arrêt des
hostilités. Mais il s’agirait alors de faire du processus d’Oslo une
parenthèse que la création d’un tel État fermerait, soit une révolution
copernicienne de la diplomatie internationale.
Dès le début des
années 1990, en effet, au sortir de la seconde guerre du Golfe et à la
veille de l’effondrement de l’Union Soviétique, les États-Unis avaient
su imposer au monde une bonne part des exigences israéliennes.
Renonçant à la convocation d’une conférence internationale sous l’égide
des Nations unies, organisme doté de mécanismes de contrainte, et basée
sur "l’ensemble de leurs résolutions pertinentes", la communauté
internationale avait alors accepté d’apporter sa caution à de simples
forums bilatéraux parrainés par les États-Unis et (nominalement) par
l’Union Soviétique. Les négociations multilatérales étaient, quant à
elles, consacrées aux questions qui ne touchaient en rien à la
souveraineté, aux frontières et à la fin de l’état de guerre, domaines
exclusivement réservés au bilatéral. En stricte continuité avec la
conférence de Madrid de 1992 et les diverses négociations
israélo-palestiniennes issues de l’accord d’Oslo de 1993, la "feuille
de route" internationale et la conférence d’Annapolis de 2007
transforment la légalité internationale de référence (restitution des
territoires occupés par la force, droit des réfugiés, etc.) en objet de
la négociation, négociation censée une fois encore s’exercer en
l’absence de tout mécanisme de contrainte, les États-Unis et leurs
partenaires n’étant que de simples "facilitateurs". Loin de constituer
un "proto-État", simple étape vers l’indépendance et l’État, l’Autorité
intérimaire d’autonomie mise en place à partir de 1994 s’est alors
transformée de facto en non-État permanent.
Un tel contexte
amène à penser que seule la communauté internationale peut venir à bout
du conflit par une implication massive tant politique que militaire à
travers l’envoi sur place d’une force militaire d’intervention. Mais la
réussite de l’envoi d’une telle force dépendra entièrement de son
mandat. Une simple force d’interposition, en figeant le statu quo
favorable à Israël, ne pourra qu’aller à l’échec. Qui au Conseil de
sécurité, cependant, est aujourd’hui prêt à s’engager derrière une
telle solution de rupture ?
Le gouvernement israélien, par delà ses
clivages politiciens, aurait ainsi poussé Hamas à récupérer le flambeau
de la résistance nationale palestinienne d’un Fatah, absent sinon
partie de l’agression menée contre la population de Gaza. Au delà des
risques de condamnation d’une « disproportion » de la violence engagée
et d’une réactivation de l’antisionisme et de l’antisémitisme, il
aurait ainsi parié sur une redynamisation de l’alignement de la
communauté internationale autour de son refus de donner un cadre
étatique à l’identité nationale palestinienne au nom d’un refus commun
de l’islamisme.
En dépit de certaines hésitations sur
l’opportunité ou non d’ouvrir un dialogue avec Hamas, la précipitation
internationale, et tout particulièrement française et européenne, à
participer au blocus militaire de la bande de Gaza sans faire de la
réouverture de ses points d’entrée et de sortie au trafic des hommes et
des biens laisse malheureusement présager que le cabinet israélien
avait vu juste. Hamas et la population de Gaza, en ce cas, n’auront
que, bien malgré eux, servi les intérêts de l’État d’Israël tel qu’il
les conçoit aujourd’hui.
La guerre et le gaz naturel : l’invasion israélienne et les gisements de Gaza en mer
Michel Chossudovsky Publié sur le Site Mondialisation.ca, Le 12 janvier 2009
Lire
l’article original en anglais : War and Natural Gas : The Israeli
Invasion and Gaza’s Offshore Gas Fields. Traduction : Pétrus Lombard.
Révisée par Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.
Michel
Chossudovsky est directeur du Centre de recherche sur la mondialisation
et professeur d’économie à l’Université d’Ottawa. Il est l’auteur de
Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre et de la
Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial (best-seller
international publié en 11 langues). Selon lui l’invasion militaire de
la Bande de Gaza par les Forces israéliennes, est directement liée à la
possession et au contrôle de réserves stratégiques de gaz en mer.
Il s’agit d’une guerre de conquête : on à découvert de vastes réserves de gaz au large du littoral de Gaza en 2002.
Dans
un accord signé en novembre 1999, l’Autorité palestinienne (AP) a
garanti des droits de prospection de gaz et de pétrole d’une durée de
25 à British Gas (BG Group) et son partenaire situé à Athène
Consolidated Contractors International Company (CCC), une propriété des
familles libanaises Sabbagh et Koury.
Ces droits sur les gisements
de gaz en mer sont de 60 % pour British Gas, de 30 % pour Consolidated
Contractors, et de 10 % pour le Fonds d’investissement palestinien.
(Haaretz, 21 octobre 2007)
L’accord AP-BG-CCC inclut l’exploitation
des gisements et la construction d’un gazoduc. (Middle East Economic
Digest, 5 janvier 2001)
La licence de BG couvre toute la zone
maritime située au large de Gaza, laquelle est contigüe à plusieurs
installations gazières israéliennes. (Voir la carte ci-dessous). Il
convient de souligner que 60 % des réserves de gaz le long du littoral
de Gaza et d’Israël appartient à la Palestine.
BG Group a foré deux
puits en 2000 : Gaza Marine-1 et Gaza Marine-2. British Gas estime que
les réserves sont de l’ordre de 1,4 billions de pieds cubes, évaluées à
environ 4 milliards de dollars. Ce sont les chiffres publiés par
British Gas. La dimension des réserves de gaz palestiniennes pourrait
s’avérer largement supérieure.
Qui possède les réserves de gaz ?
La
question de la souveraineté sur les gisements gaziers de Gaza est
cruciale. D’un point de vue légal, ces réserves appartiennent à la
Palestine.
La mort de Yasser Arafat, l’élection du gouvernement du
Hamas, ainsi que la débâcle de l’Autorité Palestinienne ont permis à
Israël de prendre de facto le contrôle de ces réserves.
British
Gas (BG Group) a négocié avec le gouvernement de Tel-Aviv. En revanche,
le gouvernement du Hamas n’a pas été consulté en ce qui a trait à la
prospection et l’exploitation des gisements gaziers.
L’élection
du premier ministre Ariel Sharon en 2001 fut un tournant majeur dans
cette affaire. À l’époque, la souveraineté de la Palestine sur les
réserves gazières en mer était contestée à la Cour suprême d’Israël. M.
Sharon affirmait sans ambiguïté qu´« Israël n’achèterait jamais de gaz
de la Palestine », suggérant ainsi que les réserves marines de Gaza
appartenaient à Israël.
En 2003, Ariel Sharon a opposé son veto à un
premier accord, qui aurait permis à British Gas d´approvisionner Israël
en gaz naturel provenant des puits marins de Gaza. (The Independent, 19
août 2003).
La victoire électorale du Hamas en 2006 a contribuer
à la chute de l’Autorité Palestinienne, par conséquent confinée à la
Cisjordanie sous le régime mandataire de Mahmoud Abbas.
En 2006,
British Gas « était sur le point de signer un accord pour acheminer le
gaz en Égypte. » (Times, 28 mai 2007). Selon les reportages, le premier
ministre britannique de l’époque, Tony Blair est intervenu pour le
compte d’Israël pour faire capoter l’accord avec l’Égypte.
L’année
suivante, en mai 2007, le Cabinet israélien a approuvé une proposition
du premier ministre Ehud Olmert, « d’acheter du gaz de l’Autorité
Palestinienne. » Le contrat proposé était de 4 milliards de dollars et
les profits envisagés à 2 milliards de dollars, dont un milliard irait
aux Palestiniens.
Toutefois, Tel-Aviv n’avait aucune ’intention
de partager ses recette avec la Palestine. Une équipe de négociateurs
israéliens a été constituée par le Cabinet israélien afin d’arriver à
un accord avec le BG Group en écartant à la fois le gouvernement du
Hamas et l’Autorité Palestinienne :.
« Les autorités de la
Défense israéliennes veulent que les Palestiniens soient payées en
biens et en services, et insistent pour que le gouvernement du Hamas ne
reçoive aucun argent. » (Ibid, souligné par l’auteur.)
L’objectif
était avant tout de rendre caduc le contrat signé en 1999 entre le
groupe BG Group et l’Autorité Palestinienne., alors sous Yasser Arafat.
En
vertu de l’accord proposé en 2007 avec BG, le gaz palestinien des puits
marins de Gaza devait être acheminé au port israélien d’Ashkelon par un
gazoduc sous-marin, transférant ainsi à Israël le contrôle de la vente
du gaz naturel.
Le plan a échoué et les négociations ont été
suspendues : « Le chef du Mossad, Meir Dagan, s´est opposé à la
transaction pour des raisons de sécurité, craignant que les recettes
engrangées ne servent à financer le terrorisme (Membre de la Knesset
Gilad Erdan, allocution à la Knesset sur « Les intentions du
vice-premier ministre Ehud Olmert d’acheter du gaz des Palestiniens
alors que les paiements profiteront au Hamas », 1er mars 2006, cité
dans l´article du lieutenant-gé néral (à la retraite) Moshe Yaalon,
Does the Prospective Purchase of British Gas from Gaza’s Coastal Waters
Threaten Israel’s National Security ? Jérusalem Center for Public
Affairs, octobre 2007)
L’intention d´Israël était d’éviter la
possibilité que des redevances soient payées aux Palestiniens. En
décembre 2007, BG Group s´est retiré des négociations avec Israël, et,
en janvier 2008, ils ont fermé leur bureau en Israël. (site Internet de
BG).
Le plan d’invasion à l´étude
Selon des sources
militaires israéliennes, le plan d’invasion de la bande de Gaza, nommé
l’« Opération Cast Lead » (Opération Plomb durci) a été mis en branle
en juin 2008 :
"Des sources de la Défense ont déclaré qu’il y a
six mois [en juin ou avant], le ministre de la Défense Ehoud Barak a
demandé aux Forces Israéliennes de se préparer pour cette opération,
bien qu´Israël ait commencé à négocier un accord de cessez-le-feu avec
le Hamas. (Barak Ravid, Operation "Cast Lead" : Israeli Air Force
strike followed months of planning, Haaretz, 27 décembre 2008)
Durant
ce même mois, les autorités israéliennes ont contacté British Gas afin
de reprendre des négociations cruciales relativement à l’achat du gaz
naturel de Gaza :
« Les directeurs général du Trésor et du ministère
des Infrastructures nationales Yarom Ariav et Hezi Kugler ont convenu
d’informer BG qu’Israël souhaitait renouer les pourparlers.
Les
sources ont ajouté que BG n’a pas encore répondu officiellement à la
requête d’Israël, mais que des cadres de la compagnie viendraient
probablement en Israël dans quelques semaines afin de discuter avec des
officiels du gouvernement. » (Globes online- Israel’s Business Arena,
23 juin 2008)
Chronologiquement, la décision d’accélérer les
négociations avec British Gas (le Groupe BG) coïncidait avec la
planification de l’invasion de Gaza amorcée en juin. Il semble
qu’Israël s’empressait de conclure un accord avec BG Group avant
l’invasion, dont la planification était déjà à un stade avancé.
Qui
plus est, ces négociations étaient menées par le gouvernement d’Ehoud
Olmert, qui était au courant qu’une invasion militaire était planifiée.
Selon toute vraisemblance, le gouvernement israélien envisageait aussi
un nouvel accord politico-territorial « d’après-guerre » pour la bande
de Gaza.
En fait, les négociations entre British Gas et les
officiels israéliens étaient en cours en octobre 2008, soit 2 à 3 mois
avant le début des bombardements le 27 décembre.
En novembre
2008, les ministères israéliens des Finances et des Infrastructures
nationales ont sommé Israel Electric Corporation (IEC) d’entamer des
négociations avec British Gas concernant l’achat de gaz naturel de ses
concessions en mer à Gaza. (Globes, 13 novembre 2008)
Yarom
Ariav, directeur général du ministère des Finances, et Hezi Kugler,
directeur général du ministère des Infrastructures Nationales, ont
écrit récemment à Amos Lasker, chef de la direction d´IEC, l’informant
de la décision du gouvernement de permettre aux négociations d’aller de
l’avant, conformément à la proposition cadre approuvée plus tôt cette
année.
Il y a quelques semaines, le conseil d´administration
d´IEC, dirigé par le président Moti Friedman, a approuvé les principes
de la proposition cadre. Les pourparlers avec BG Group commenceront dès
que le conseil d´administration approuvera l’exemption pour l´offre.
(Globes, 13 novembre 2008)
Gaza et la géopolitique de l’énergie
L’occupation
militaire de Gaza a pour but de transférer la souveraineté des
gisements gaziers à Israël, en violation du droit international.
- À quoi pouvons-nous nous attendre après l’invasion ?
- Quelle est l’intention d’Israël en ce qui concerne le gaz naturel de la Palestine ?
- Y
aura-t-il un nouvel arrangement territorial, avec le stationnement de
troupes israéliennes et/ou la présence de « forces de maintien de la
paix » ?
- Assisterons-nous à la militarisation de la totalité du littoral de Gaza, lequel est stratégique pour Israël ?
- Les
gisements gaziers palestiniens seront-ils purement et simplement
confisqués, et la souveraineté israélienne sur les zones maritimes de
la bande de Gaza sera-t-elle déclarée unilatéralement ?
Si cela devait arriver, les gisements gaziers de Gaza seraient intégrés aux installations adjacentes d’Israël en mer.
Ces
diverses installations en mer sont aussi reliées au couloir de
transport énergétique d´Israël, qui se prolonge du port d’Eilat, port
maritime terminal du pipeline sur la Mer Rouge, au terminal du pipeline
à Ashkelon, et vers Haïfa au nord. Le corridor se rattacherait
éventuellement par un pipeline israélo-turc, actuellement à l’étude, au
port turc de Ceyhan.
Ceyhan est le terminal du pipeline
Trans-Caspien Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC). « On envisage la liaison du
pipeline BTC au pipeline Trans-Israel Eilat-Ashkelon, aussi connu sous
le nom d’Israel´s Tipline. » (Voir Michel Chossudovsky, The War on
Lebanon and the Battle for Oil, Global Research, 23 juillet 2006).
Témoignage de Ramallah - « Nous n’avons plus que la persévérance »
De Leila Farsakh Enseignante en science politique à l’Université du Massachusetts, Boston.
Le Monde diplomatique, n° 659, février 2009.
Gaza
est bombardée depuis vingt et un jours et enfin il y a quelque chance
que la septième guerre israélo-arabe se termine. Plus de 1 100
Palestiniens ont été tués, dont un tiers d’enfants, et plus de 5 000
ont été blessés. Israël a utilisé des gaz au phosphore, attaqué des
ambulances et des hôpitaux, détruit les immeubles de l’UNRWA et de la
Croix-Rouge, limité l’entrée de l’aide humanitaire et semé la terreur
dans chaque maison, dans chaque rue de la bande de Gaza. La cause
palestinienne est de retour sur la scène internationale, et partout
dans le monde des foules sont descendues dans les rues pour demander
l’arrêt de cette guerre. L’horreur de Gaza a aussi bien galvanisé la
rue arabe que les manifestants en Europe, aux Etats-Unis, en Amérique
latine et en Australie. Mais malgré toutes ces manifestations, la rage
des peuples n’a eu aucun impact sur les gouvernements. Personne, pas
même l’Onu, n’a la volonté de mettre fin à cet enfer...
Les
derniers sondages en Israël révèlent que 91 % des Israéliens approuvent
leur gouvernement. Les Etats arabes, eux, ont été incapables d’adopter
une position commune. Ils se demandent lequel d’entre eux va endosser
la cause palestinienne, l’Egypte, la Syrie ou le Qatar, les modérés ou
le camp de la résistance. La moitié des Etats arabes participent à une
réunion extraordinaire sur le conflit à Doha quand d’autres insistent
pour en discuter en marge du sommet économique qui se déroule au
Koweit. La tragédie palestinienne et leur impuissance à y mettre fin
illustre la faiblesse de leur pouvoir dans la région, ainsi que la fin
du nationalisme arabe en tant que concept significatif. Entre-temps, le
chef de l’Autorité palestinienne a déclaré que c’était le Hamas qui
avait provoqué cette attaque ; ainsi la victime excusait-elle son
bourreau.
Il n’a eu aucune honte à dire que la résistance n’a
plus de sens dès lors qu’elle cause la mort de civils. Il semble avoir
oublié que la cause palestinienne n’a pour elle que sa résistance
légitime. C’est cette résistance contre l’occupation, contre la
dépossession depuis plus de soixante ans, contre un processus de
colonisation dont chacun connaît l’illégalité, que le monde civilisé a
condamné - à défaut de le sanctionner -, qui fait la différence. Elle
met au premier plan la cause palestinienne, devant les milliers de
personnes tuées au Congo, les morts quotidiennes en Somalie ou encore
les victimes du tsunami.
Cela fait deux semaines que je suis
arrivée à Birzeit, dans le bantoustan de Ramallah en Cisjordanie. Je ne
m’attendais pas à une guerre, je voulais voir ma famille, poursuivre
mon travail à l’université de Birzeit, conserver le lien entre
l’intérieur du pays et l’extérieur, bref l’éternelle histoire
palestinienne. Je suis arrivée et j’ai trouvé les gens collés à la
télévision, regardant se dérouler l’horreur à Gaza, aussi impuissants
que des habitants de Boston, d’Australie ou de Londres. La guerre nous
a rendus fous de rage, elle m’a rendue folle de rage, mais le pire a
été le constat d’impuissance partout autour de moi. Les gens
manifestent dans les rues, à Ramallah et à Birzeit, aujourd’hui tout
autant que lorsqu’Al-Qaradawi appelait tous les musulmans à faire de
vendredi dernier un jour de colère et de solidarité avec Gaza. Mais les
manifestants qui sont descendus dans les rues de Ramallah n’étaient pas
plus nombreux que ceux de Boston, sans parler de ceux de Sakhnin et de
Baqa à l’intérieur de la Ligne verte (à l’intérieur d’Israël).
Aujourd’hui il y a eu des manifestations partout en Cisjordanie après
la mort de Saaed Siam (Dirigeant du Hamas) hier à Gaza. Comme tous les
autres téléspectateurs du monde, j’ai vu des jeunes lancer des pierres
aux soldats israéliens à Jérusalem-est et à Hébron. Ceux qui lançaient
des pierres au check point de Kalandia se sont trouvés devant un
nouveau mur érigé devant le mur existant. Israël continue à construire
des prisons dans des prisons.
Même si M. Khaled Mechaal, le chef
du Hamas à Damas, en appelle à une troisième intifada dans toute la
Palestine, rien de tel ne s’est produit. La colère de la Cisjordanie,
qui a nourri la première et la seconde intifada, est tombée, ou plutôt
elle a été étouffée dans l’œuf. La police palestinienne veille à ce
qu’il n’y ait aucun foyer de rébellion. Durant la manifestation de
Ramallah, les policiers, armés de mitrailleuses, formaient des rangs
encore plus impressionnants que dans les manifestations londoniennes.
Les membres des services secrets, vêtus de blousons bleus fournis par
l’aide américaine, étaient omniprésents. Toute une troupe de partisans
du Fatah ne dépassant pas 18 ans a envahi les rangs des manifestants.
Et dès que quelques jeunes se sont mis à scander le nom de Hamas ils
ont été arrêtés. Quand les étudiants palestiniens ont manifesté à
l’université de Birzeit et ont commencé à marcher en direction du check
point Atarah, les forces de sécurité palestiniennes leur ont tiré
dessus et les ont battus. Toutes les caractéristiques d’une police
d’Etat sont en place, avant même qu’un Etat palestinien puisse
prétendre à l’existence.
La lutte des Palestiniens se délite et
la Palestine risque de n’être bientôt plus qu’une idée. Les gens sont
en colère mais sans direction, sans leadership. Tout le monde essaie de
faire quelque chose, mais rien ne se transforme en projet
d’émancipation politique. J’ai attendu la mobilisation des partisans du
Hamas en Cisjordanie, mais ils sont tous dans la clandestinité, ou
alors dans les prisons palestiniennes, ou dans les camps israéliens.
Depuis le 27 décembre, l’Autorité palestinienne a arrêté plus de sept
cents sympathisants du Hamas, parmi lesquels les maires et les députés
du Conseil législatif palestinien (CLP). J’étais persuadée que les
forces progressistes se manifesteraient, mais jusqu’ici elles n’ont
fait qu’adresser un message de soutien à Gaza. Les intellectuels ont
continué à se réunir, ils ont appelé à l’unité nationale, condamné la
corruption, le silence et même la complaisance de l’Autorité
palestinienne. Beaucoup ont encore une fois demandé la dissolution de
l’Autorité palestinienne, d’autres ont à nouveau souligné les graves
conséquences économiques et politiques qu’entraînerait une telle
décision. Personne ne veut prendre le risque d’un scénario à
l’irakienne, d’une guerre civile qui ne dit pas son nom. Les forces
progressistes se sont jointes à Mustafa Barghouti (chef de l’Initiative
palestinienne), aux représentants du Front populaire de libération de
la Palestine (FPLP), du Parti du peuple et du Front démocratique de
libération de la Palestine (FDLP) ainsi qu’à des groupes islamiques
indépendants pour condamner la guerre d’Israël à Gaza. Les
manifestations hebdomadaires à l’intérieur de la Ligne verte étaient
stimulantes mais aucun lien n’a été établi entre l’intérieur et
l’extérieur de la Ligne verte pour vaincre le Mur. Eux aussi manquent
de direction ou de leadership.
Car malgré tous les sacrifices à
Gaza, les manifestations en Cisjordanie et le soutien populaire
international que les atrocités de Gaza ont suscité, il semble qu’il
n’y ait pas de force politique capable ou désireuse de mettre à profit
cette mobilisation pour bâtir un projet politique clair. Il n’y a pas
d’organisation équivalente à la Direction nationale unifiée qui a mené
la première intifada. A la différence de la seconde intifada, il n’y a
pas de brigade Al-Aqsa, ni de tentative de la part de militants du
Fatah de se constituer comme parti national distinct du Fatah en tant
qu’institution gouvernante dominante pour conserver leur indépendance
politique. Le Hamas demeure le seul parti de masse de la résistance,
aux côtés de tous ceux qui croient encore en la résistance. Mais il est
trop pris par la guerre, par ses deux guerres, celle contre Israël et
celle contre l’Autorité palestinienne. Les autres partis sont trop
faibles ou dans l’incapacité de s’organiser. Tout comme le Palestinien
moyen, ils ne peuvent qu’exprimer leur colère et leur désillusion par
des manifestations.
Pendant ce temps, l’Autorité palestinienne
continue de négocier sur les ruines du processus de paix d’Oslo. Elle
se débrouille grâce à l’aide militaire américaine, à son allégeance à
la domination israélienne et aux promesses arabes de financer les
salaires des soldats, des travailleurs et des policiers palestiniens.
Elle a spéculé sur le silence d’un tiers de la population qui dépend
des revenus qu’elle lui procure, sur la peur de beaucoup de voir se
répéter l’invasion israélienne de 2002 et sur la capacité de sa police
à réduire l’opposition au silence. Elle s’est convaincue et en a
convaincu d’autres qu’elle est dirigée par un groupe de technocrates
ayant pour unique objectif de prouver que les Palestiniens sont
capables d’assurer leur propre sécurité et de s’auto-administrer. Ils
adhèrent totalement à la directive de Dayton : le rôle de la police
palestinienne n’est pas de combattre l’occupation mais de maintenir
l’ordre en Palestine. L’Autorité attend toujours l’Etat qui lui a été
promis, sur une terre morcelée, avec un peuple divisé et des villages
assiégés. Mais c’est un Etat qui, s’il existe un jour, formera une
confédération avec la Jordanie. D’ici là, elle attend l’effondrement du
Hamas, ou sa reddition. Elle attend d’aller reconstruire Gaza et
d’organiser de nouvelles élections financées par l’Union européenne. Sa
direction n’a jamais paru si fragile, sa légitimité aussi éphémère.
La
situation dans le monde arabe ne fait qu’accentuer la gravité de la
situation palestinienne. Où que j’aille, quelle que soit la personne
avec qui je parle, domine un sentiment d’incrédulité dans le niveau de
division entre les pays arabes. A force de tergiverser pour savoir
lequel d’entre eux prendra en charge le dossier palestinien, les pays
arabes se sont décrédibilisés encore plus dans la région et sur la
scène internationale. M. Recep Tayyip Erdogan en Turquie a été
plus critique envers Israël qu’aucun dirigeant arabe. M. Mahmoud
Ahmadinejad en Iran a dû rappeler à l’Autorité que Gaza est d’abord
palestinienne, ensuite arabe et enfin musulmane. La Turquie et l’Iran
reviennent jouer un rôle de premier plan au Moyen-Orient, tandis que
l’Egypte et l’Arabie saoudite sont dépassés, dans leur tentative de
surmonter la peur d’un islam politique qu’ils ont pourtant créé. Cette
guerre sonne le glas d’une politique arabe crédible. Elle inaugure un
nouveau Moyen-Orient dont la pensée et le discours restent à découvrir.
Un nouveau Moyen-Orient que même M. Bush n’a jamais imaginé.
Le
sens même de la politique a changé. Ce qu’elle signifie, ce qu’elle
cherche à faire, comment elle va libérer : rien n’est évident
désormais. Partout règnent le désespoir et l’impuissance. Les gens
d’ici n’en savent pas plus que quiconque à l’étranger. En fait,
personne ne sait ce qui se passe ni ce qui va se passer. Tout le monde
attend. Quoi, ce n’est pas encore très clair : que Dieu ait pitié ? Que
ceux qui sont au pouvoir restent ou partent ? Que ceux de l’extérieur
prennent les choses en main ? Qu’un leader miraculeux émerge ? Que M.
Obama trouve une solution ? Personne ne sait. Nous revenons à une
politique de la persévérance, que les Palestiniens n’ont jamais
abandonnée. Cette fois-ci, pourtant, nous n’avons plus qu’elle. Est-ce
suffisant ? Est-ce que nous n’allons pas perdre encore plus, n’y a t-il
rien d’autre au service de la cause que la seule persévérance ?
Ici,
personne ne sait. Personne ne sait et personne en ce moment ne veut
savoir. Tout ce qu’on veut c’est la fin de cette guerre, que la vie
redevienne à peu près normale dans cet éternel état d’exception, pour
que cette farce du processus de paix et son Etat palestinien promis
soient enterrés, pour qu’une nouvelle génération émerge. Ce que les
Palestiniens savent c’est qu’ils sont ici pour rester, sur cette terre
atomisée, dans ces bantoustans fragmentés, avec ces oliveraies qui
résistent, jusqu’à ce que la miséricorde divine descende sur eux.
Birzeit, 17 janvier 2009.
Retour
sur les mobilisations contre la guerre. Les manifestations de
solidarité avec les palestiniens ont été particulièrement puissantes et
nombreuses en Europe, en particulier en France et en Belgique. Leur
tonalité et leur contenu ont provoqué un certain nombre de
commentaires. Le soutien officiel du CRIF (Conseil représentatif des
institutions juives de France) à l’offensive meurtrière d’Israël a
également suscité des réactions. En voici quelques unes:
Conflit israélo-palestinien, la politique contre les confusions
Paru dans Regards (France) n°59 février 2009 2 février 2009 - Emmanuelle Cosse et Emmanuel Riondé
Durant
l’opération israélienne «Plomb durci» menée en janvier dans la bande de
Gaza, le gouvernement français n’a eu de cesse de s’inquiéter des «
risques d’importation du conflit » israélo-palestinien en France. Une «
importation » dont le danger serait, selon lui, qu’elle se manifeste
sur le sol républicain par des tensions accrues entre les communautés
juive et arabo-musulmane. Des actes isolés, dont trois tentatives
d’incendie de synagogues, sont venus accréditer cette thèse. Il faut
donc répondre à tous les termes de cette proposition. Qui importe ?
Quel conflit ? Et, au final, pour quels risques ? Ce que l’on voit,
c’est, d’un côté, un conflit qui se joue en Palestine. Et de l’autre,
en France, une forte mobilisation en faveur de Gaza mais aussi des
appels à soutenir la politique d’Israël.
En France, le Conseil
représentatif des institutions juives de France (CRIF), dans la droite
ligne de ce que fait l’Etat d’Israël, entretient volontairement, par
ses appels à faire « bloc derrière l’Etat d’Israël », une confusion
entre le judaïsme, religion vieille de plusieurs siècles, et le
sionisme, idéologie politique née à la fin du XIXe siècle. L’objectif ?
Imposer une lecture religieuse et civilisationnelle du conflit
israélo-palestinien. Les premiers à dénoncer cela sont des juifs
israéliens. Tels que, pour ne citer que les plus contemporains,
Yeshayahou Leibovitz, Michel Warschawski, Avraham Burg ou Shlomo Sand,
qui ne cessent de rappeler qu’il s’agit d’un conflit colonial.
On
sait que, mené pour s’accaparer une terre et ses ressources, un projet
colonial s’embarrasse en vérité bien peu de la religion ou de la
couleur de peau de ceux qui y vivent. Et il sait, au besoin, utiliser
ces paramètres pour justifier son entreprise ou en détourner
l’attention. Résultat : dans les têtes de certains manifestants
français de ce mois de janvier, le soldat israélien est avant tout un
juif. Et les synagogues deviennent tout naturellement les temples des
amis d’Israël. La confusion est là. Bien entretenue par le gouvernement
français qui convoque systématiquement les dignitaires religieux pour
lancer des appels au calme.
Ces confusions sont porteuses de
risques pour l’avenir. Car l’impuissance du politique à régler de façon
juste la question palestinienne les renforce. Et elles ont lieu en
France, un pays où la haine du juif – une construction chrétienne,
faut-il le rappeler – a toujours existé et peut probablement se
réinstaller vite, ce qui exige une vigilance de tous les instants.
Dans
ce contexte, la gauche a un rôle essentiel à jouer. D’abord, tout en
refusant de céder aux tentations de panique antisémites, elle doit
faire le ménage chez elle. Des poches d’antisémitisme ont toujours
existé au sein de la gauche radicale. Et il reste de nombreux paumés
pour soutenir Dieudonné, ou pour mettre sur un même plan le nazisme et
Israël. Autant d’amalgames qu’il convient de condamner totalement,
fussent-ils minoritaires : ils sont en contradiction absolue avec les
valeurs de justice, d’égalité et de fraternité défendues par le
mouvement de solidarité avec les Palestiniens.
La gauche doit
aussi réoccuper des terrains désertés depuis trop longtemps. Les
quartiers populaires et leur jeunesse ne doivent pas être laissés aux
seules mains d’associations plus ou moins « communautaristes ». Sans
exclure quiconque du nécessaire dialogue, il s’agit de réinjecter
partout de la pensée et du débat politique et de mener un travail
d’éducation populaire. D’autant que l’inquiétude répétée du
gouvernement de voir « l’importation du conflit » du côté des
quartiers, témoigne en creux de sa crainte de voir cette population
prendre pleinement sa place au sein de la République : des citoyens qui
votent, manifestent et peuvent faire converger des luttes.
On a
entendu quelques slogans antisémites dans les cortèges, on a vu des
drapeaux d’Israël brûler. Mais on a vu aussi, partout, des réactions
immédiates de la part de manifestants, dialoguant pour tenter d’en
faire comprendre la bêtise et le danger. On a vu l’Union juive
française pour la paix (UJFP) défiler sous une banderole commune avec
l’Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF). Parions sur
le positif : la mobilisation est là, les solidarités aussi. De
nouvelles générations se retrouvent pour défendre la Palestine et
exiger une résolution juste du conflit. La gauche doit rester vigilante
et éclairer les confusions.
Omar Al Somi : « Les mobilisations témoignent d’une articulation réussie entre deux France »
Paru dans Regards (France) n°59 février 2009 propos recueilli par Gülay Erdogan
Depuis
longtemps, les Français n’avaient manifesté si nombreux pour la
Palestine. L’attaque de Gaza par Israël a entraîné une mobilisation qui
rassemble bien au-delà des cercles traditionnels des organisations de
solidarité. Le point de vue d’un responsable de l’association
Génération Palestine.
Omar Al Somi est délégué général de
l’association Génération Palestine, membre du Collectif national pour
une paix juste entre Palestiniens et Israéliens.
Partout dans le
monde et notamment en France, les mobilisations de solidarité avec le
peuple palestinien ont été importantes en janvier. Qui se mobilise et
d’où vient cette nouvelle dynamique ?
Omar Al Somi. La première
raison de cette mobilisation de la société civile en Europe et dans le
monde, c’est l’extraordinaire violence et brutalité dont a fait preuve
Israël à Gaza. Sans compter un siège qui, depuis plus d’un an et demi,
a mis ce territoire au bord de la pire crise humanitaire. Un fort
sentiment de rage face à ces crimes s’exprime dans la rue pour dire à
Israël « ça suffit » !
Il faut mettre un terme à toutes ces
violations des lois internationales. Soixante ans après la Nakba
[expulsion des Palestiniens en 1948, Ndlr], quarante ans après le début
de l’occupation, il est temps enfin de trouver une juste solution au
conflit israélo-palestinien. En France, plusieurs dizaines
d’organisations politiques (PCF, Verts, LCR…), syndicales (FSU, CGT…)
et associatives (Génération Palestine, CCIPPP, AFPS…) se sont
mobilisées. Et, pour la première fois, on a une articulation réussie
entre deux France qui jusqu’à présent avaient du mal à se retrouver.
D’un côté, les mouvements classiques, mobilisés sur la cause
palestinienne comme sur la plupart des grandes causes antiracistes et
anticoloniales. De l’autre, ces nouveaux citoyens français d’origine
arabe et musulmane. Du fait de leur bonne connaissance, via les médias
arabophones, de ce qui se passe au Proche-Orient, ils sont plus
mobilisés que la moyenne sur les enjeux de paix et de justice en
Palestine. Ces deux parties de la société avaient du mal à se retrouver
depuis 2001. La stigmatisation des Français issus de l’immigration
comme des terroristes potentiels avait créé une situation difficile. Et
là, grâce à l’urgence et à un travail de fourmi qui a été entrepris par
beaucoup d’associations dans les quartiers, on a pu expliquer qu’on
devait se retrouver sur un message commun, citoyen, universel, qui est
celui de la défense du droit international.
Les partis politiques sont-ils suffisamment mobilisés ?
O.
Al S. Le silence ou les condamnations au mieux très timides de la
gauche institutionnelle, le PS, et de différents syndicats posent un
vrai problème. Ils peinent à sortir d’une longue tradition de soutien à
Israël et de négation des droits du peuple palestinien. Nous appelons
l’ensemble des organisations politiques françaises à rejoindre ceux qui
sont déjà avec nous. Et ce n’est pas seulement un enjeu pour le
Proche-Orient, ça l’est aussi pour la France.
Parce que, selon vous, la discrétion de certains pourrait accentuer des clivages dans la société française ?
O.
Al S. Michèle Alliot-Marie a dit qu’il ne fallait pas importer le
conflit israélo-palestinien. Alors il faudra répondre à cette question
: qui l’importe ? Si on utilise ce slogan pour interdire toute
mobilisation de solidarité avec la Palestine, eh bien, on empêche
l’expression d’une solidarité citoyenne fondée sur le droit
international qui peut permettre justement de trouver un canal
d’expression à la révolte de toutes ces personnes indignées par
l’injustice qui règne au Proche-Orient. Pour ne pas importer le conflit
israélo-palestinien en France, mobilisons-nous donc tous ensembles.
Nous avons à nos côtés des organisations comme l’Union juive française
pour la paix, le Collectif pour une autre voix juive et beaucoup
d’autres issues de la diaspora arabe et musulmane. Ce n’est pas en
refusant de parler de la Palestine qu’on évitera les troubles et les
tensions liés à la situation régionale.
Le pouvoir aux « barbus » ? Non merci !
Manuel Abramowicz, auteur, Claude Demelenne, journaliste, Sam Touzani, artiste
« Le Soir » Site d’information belge mercredi 14 janvier 2009
Sous
prétexte que toute initiative s’opposant à la politique de destruction
massive du gouvernement israélien contre le territoire palestinien de
Gaza est bonne à prendre, faut-il passer pour autant sous silence les
multiples dérapages constatés lors des récentes manifestations pro
palestiniennes ? Nous ne le pensons pas. D’ailleurs, est-il exact de
parler de simples « dérapages » ? C’est, hélas, beaucoup plus grave.
Présents lors de la manifestation de ce 11 janvier, à Bruxelles, nous
ne pouvons masquer notre grande inquiétude. Un certain « politiquement
correct » incite une partie des démocrates à taire son malaise. Ces
démocrates-là ont tort. Ceux qui pratiquent l’indignation sélective ont
toujours tort.
Qu’avons-nous vu, ce 11 janvier, dans les rues de
Bruxelles ? Une manifestation pro palestinienne d’un type nouveau, dont
le rassemblement du 31 décembre avait donné un avant-goût. Qui donnait
le ton, ce dimanche, dans l’impressionnant défilé, de la gare du Midi à
la gare du Nord ? Essentiellement des organisations
politico-religieuses musulmanes, des représentants de mosquées, des
religieux en général.
D’emblée, nous avons été surpris par la
touche très communautariste de la manifestation, souvent rythmée par
des slogans très peu fédérateurs – « Allahou Akhbar ! » (Dieu est
grand) – et parfois carrément choquants – les appels au Djiad (guerre
sainte) ou à la mise de côté de la démocratie. Les manifestants
appartenant à la mouvance de la gauche laïque que nous avons rencontrés
étaient pour la plupart désorientés. Difficile, en effet, de trouver sa
place dans cette manifestation, entre groupes brandissant le drapeau du
Hamas, d’autres celui du Hezbollah, d’autres encore des portraits de
son leader, Hassan Nasrallah, d’autres des pancartes assimilant étoile
de David et croix gammée. De telles pancartes, nazifiant les Juifs dans
leur ensemble, nous en avons vu des dizaines.
Comment s’insérer
dans ces groupes, apparemment bien pris en mains par les mosquées,
femmes enfoulardées d’un côté, hommes barbus hurlant « Allahou Akhbar !
» de l’autre ?
La manifestation de ce 11 janvier marque un tournant
dans l’histoire du combat démocratique pour la Palestine. Elle
officialise la prise de pouvoir majoritaire des milieux religieux
musulmans – hélas, pas les plus progressistes – dans ce combat qui fut
longtemps, dans notre pays comme ailleurs en Europe, porté par la
gauche laïque.
Nous ne pouvons laisser sans réagir l’instrumentalisation de la cause palestinienne par les islamistes réactionnaires.
Nous
ne pouvons laisser sans réagir leurs banderoles et leurs slogans
haineux, les drapeaux à l’étoile de David brûlés par des jeunes jouant
aux Palestiniens dans les rues bruxelloises et… ovationnés par une
grande partie de la foule. Les mêmes jeunes ou d’autres s’attaquèrent à
la fin de la manifestation à des bâtiments officiels et à des voitures
d’innocents citoyens. Nous ne pouvons laisser sans réagir la montée en
puissance, également constatée lors des manifestations à Paris, de ce
que l’hebdomadaire Marianne nomme « un lobby politico-religieux »
damant le pion aux associations laïques de défense du peuple
palestinien. Ce lobby réactionnaire impose désormais son empreinte aux
rassemblements pour la Palestine. C’est lui qui, le 31 décembre, a
chahuté Leïla Shahid, la déléguée de la Palestine à Bruxelles, injuriée
et traitée d’« occidentalisée » par des fanatiques.
Ce 11
janvier, Leïla Shahid ne s’est même plus risquée à rendre la parole,
confisquée, le long des boulevards bruxellois, par les radicaux
religieux.
Nous avons décidé de rompre le « politiquement
correct ». Parce que nous sommes choqués. Choqués et inquiets par des
compagnonnages douteux. Comme cette scène surréaliste, dans la manif du
11 janvier : une quarantaine de courageux militants de l’Union des
Juifs progressistes de Belgique (UPJB), défilant… devant un groupe de
plusieurs centaines de partisans fanatisés du Hezbollah, appelant à la
guerre sainte contre les Juifs ! Ou ces groupes d’islamistes récitant
de longues prières sur la voie publique, lors de la manifestation du 31
décembre. « Si on ne retient qu’une image de la manifestation organisée
samedi 3 janvier 2009 (à Paris) contre l’offensive israélienne à Gaza,
ce sera celle-là », peut-on lire dans Marianne. « Des “barbus ”occupant
le pavé fétiche de la gauche française, tandis que les femmes voilées
attendent sagement à une rue de là, alignées comme à la parade. Quel
symbole ! ». Ce symbole-là, nous n’en voulons pas.
La gauche,
les partis démocratiques dans leur ensemble, ne peuvent plus se laisser
piéger dans ces manifestations noyautées par des religieux
réactionnaires et rejetant les principes élémentaires de la démocratie,
du vivre ensemble. Demain, accepterons-nous sans broncher de participer
à des défilés au look de plus en plus « iranien », femmes en noir
derrière des islamistes décomplexés, confisquant la cause palestinienne
pour leur intérêt et déversant dans une indifférence polie leur
propagande haineuse ?
Nous nous adressons à tous les démocrates
soutenant la juste cause du peuple palestinien. Avec un message simple
: ne pratiquez pas l’indignation sélective. Nous nous adressons à la
gauche, notre famille politique : camarades, cessez de fermer les yeux
face à la montée en puissance d’un cléricalisme musulman intolérant,
impérialiste et anti progressiste !
Nous nous adressons aux
nombreux élus, notamment bruxellois, d’origine maghrébine : chers amis,
il ne faudrait pas que votre silence face à ces dérives, devienne
assourdissant.
En cette année électorale, faites preuve de courage
politique. Il y va de votre dignité. Mais aussi, de votre intérêt. Nul,
parmi vous, ne l’ignore : les radicaux qui ont tenu le haut du pavé,
dans les rues de Bruxelles, vous détestent. Comme ils détestent la
démocratie, la tolérance, les droits de l’homme. Si nous n’y prenons
garde, demain, nous paierons au prix fort nos lâchetés et notre
obsession du « politiquement correct ».
Sur le retour du ni-ni, l’islamisme et l’antisémitisme dans les manifestations. (Extraits)
Jean Bricmont publié par « le Grand Soir » Journal alternatif Belge 10 /02/2009
Ce texte est en partie une réponse à l’article précédent « Le pouvoir aux « barbus » ? Non merci ! »
(…)
Une façon de tenter de faire taire les protestations contre la
politique israélienne consiste à dénoncer l’antisémitisme dans les
manifestations, ainsi que l’identification entre Israël et nazisme.
Évidemment, cette dernière comparaison est excessive, mais tout le
monde commet ce genre d’excès, tout le temps. Quid de « CRS-SS » (en
Mai 68, combien de morts, comparé à Gaza) ?
Ou d’Hitlerosevic ?
Ou de Nasser, le Hitler sur le Nil (en 56) ? Pourquoi des supporters
d’Israël peuvent-ils constamment identifier le Hamas ou l’Iran à Hitler
et l’excès inverse serait interdit ? On pourrait répondre que cela
devrait l’être à cause de ce que les Nazis ont fait aux juifs. Mais ce
genre de considérations n’a jamais empêché de comparer aux Nazis les
Soviétiques ou les Serbes, qui ont aussi beaucoup souffert pendant la
guerre. Moins que les juifs sans doute, mais à partir de quel niveau de
souffrance les excès deviennent-ils inacceptables ? Plus
fondamentalement, à partir du moment où la nazification de l’adversaire
est l’arme idéologique principale de l’Occident et d’Israël, il est
inévitable que cette arme soit retournée contre eux quand l’occasion
s’en présente.
Pour ce qui est de l’antisémitisme, il ne faut
pas oublier que la politique israélienne se fait au nom d’un État qui
se dit juif, et qu’elle est fortement soutenue par des organisations
qui disent représenter les juifs (à tort ou à raison). Comment espérer
éviter, dans ce climat, que beaucoup de gens ne deviennent anti-juifs ?
C’est en demander un peu trop à la psychologie humaine. Pendant la
guerre, la plupart des habitants des pays occupés étaient antiallemands
(contre les « Boches »), pas seulement antinazis. Pendant la guerre du
Vietnam, les opposants étaient souvent anti-américains pas seulement
opposés à la politique US (et c’est encore la même chose maintenant par
rapport à leur politique au Moyen-Orient). Il est absurde d’espérer que
les gens se fassent la guerre tout en ne se haïssant pas, en respectant
les droits de l’homme, et en étant de bons antiracistes. Et comme le
conflit est importé, depuis longtemps, dans le discours médiatique et
l’action politique, il y a bien ici une guerre idéologique dont les
effets prévisibles sont exactement ceux que l’on déplore.
On ne
peut pas non plus demander aux opposants à Israël de faire la
distinction entre juifs et sionistes alors que le discours dominant ne
le fait presque jamais (du moins quand cette identification permet de
présenter Israël comme un pays éternellement « victime » ou « paria »).
De
plus, comment veut-on qu’une population qui est sans arrêt diabolisée,
ridiculisée, insultée, parce que, en tant que musulmane, elle n’aurait
rien compris à la démocratie, aux droits de l’homme, aux droits de la
femme, et serait "communautariste" quand elle affiche ses convictions
religieuses, ne réagisse pas avec virulence (au moins verbale) face aux
massacres de Gaza ?
Ce qui précède n’est pas une « justification
de l’antisémitisme » mais une observation banale sur un aspect
déplaisant mais assez universel de la psychologie humaine. On pourrait
ajouter que tous les discours de dénonciation et de condamnation de
l’antisémitisme qui ne prennent pas en compte le contexte dans lequel
celui-ci se développe ne servent à rien et sont sans doute
contre-productifs, comme le sont en général les discours moralisateurs.
La
situation ici est pratiquement aussi inextricable que la situation en
Palestine même. Bien sûr que l’antisémitisme augmente, ainsi que
l’identification communautaire, dans tous les camps. Nous sommes
incapables de résoudre la situation au Moyen-Orient, mais on pourrait
au moins commencer par reconnaître ici la véritable nature du problème
(le racisme institutionnel d’Israël) et changer radicalement de
discours.
Il faudrait également mettre fin aux intimidations et
aux procès (pour délit d’opinion), faire en sorte que tous puissent
dire ce qu’ils pensent vraiment d’Israël et de ses soutiens, et établir
l’égalité des armes dans les débats sur ce qui touche au sionisme. Il
faudrait également que la politique française et européenne soit
déterminée indépendamment de l’influence de groupes de pression.
C’est seulement ainsi que l’on peut espérer, à terme, décommunautariser le débat et faire régresser l’antisémitisme.
Les masques sont tombés et maintenant, ça suffit !
samedi 7 février 2009, par Union Juive Française pour la Paix
Lettre ouverte à Mesdames et Messieurs les dirigeants du CRIF
Vous
n’avez absolument aucun droit de parler, ni en notre nom ni au nom de
tous les nôtres qui ont été parqués dans les ghettos, assassinés dans
les pogroms, anéantis dans les camps de la mort, mais qui aussi ont été
de toutes les luttes, de celles de l’Internationale pour un monde
meilleur à celles de la Résistance à l’envahisseur nazi, contre le
colonialisme et pour la liberté, la justice, la dignité et l’égalité
des droits.
Vous avez applaudi, encouragé les crimes de l’armée
israélienne écrasant sous les bombes la population dans ce que vous
appelez « entité hostile », réduisant en tas de gravats ses maisons,
dévastant ses cultures, prenant pour cible les écoles, les mosquées,
les hôpitaux les ambulances et même un cimetière….Dès lors vous vous
êtes placés dans le camp des tenants de l’apartheid, des oppresseurs et
des nouveaux barbares , et le sang de leurs victimes rejaillit sur vous.
Ce
faisant, vous avez perdu tout sentiment humain, toute compassion devant
cette détresse, vous nous avez outragés et salis en assimilant tous les
Juifs à des supporters d’une bande de criminels de guerre comme vous
avez déshonoré la mémoire de Rachi, d’Edmond Fleg, d’Emmanuel Lévinas
et de tant d’autres, enfin de tout ce que le judaïsme français
comportait de richesse humaine, d’intelligence et de lumières.
Vous
avez voulu faire d’un conflit colonial et géopolitique un conflit
communautaire et en prétendant que « 95 % des Juifs français approuvent
l’intervention israélienne », vous attisez l’antisémitisme dont vous
prétendez vous inquiéter de la résurgence, en pompiers pyromanes.
Non
Mesdames et Messieurs les dirigeants du Conseil soi-disant «
Représentatif » des Institutions juives de France, vous ne représentez
rien pour nous, sinon les zélateurs d’une abjecte boucherie.
Les Juifs du Maroc disent non à la guerre
Elias LEVY Publié par the Canadian Jewish News
Les
principales organisations communautaires juives du Maroc ont condamné
l’opération militaire menée récemment par Israël dans la bande de Gaza.
Simon
Lévy, secrétaire général de la Fondation du Patrimoine culturel
judéo-marocain, a déclaré le 14 janvier dernier à l’Agence France
Presse : “Nous exprimons notre horreur devant cette tuerie sans
perspective ni justification, qui a fait près de 1000 morts à Gaza. La
situation à Gaza est plus que déplorable. C’est horrible. Ce n’est pas
comme ça que je vois le Judaïsme. J’espère que ce massacre prendra fin
au plus vite”.
Deux semaines après le début de l’opération
militaire “Plomb durci”, l’instance représentative officielle des
quelque 4000 Juifs vivant au Maroc, le Conseil des communautés
israélites du Maroc, a émis un communiqué officiel condamnant aussi
l’intervention militaire de Tsahal à Gaza.
Ce communiqué a été diffusé par les principaux organes de presse marocains.
Voici le texte de ce communiqué :
“Le
peuple marocain, y compris sa communauté juive, souffre profondément en
prenant connaissance des nouvelles qui nous parviennent de Gaza.
L’embrasement perdure depuis plus de deux semaines avec son horrible
cortège de victimes civiles. Les images de ces enfants Palestiniens
arrachés à la vie sont insoutenables. Cela est inadmissible et
incompatible avec nos préceptes religieux. Depuis plus de deux
semaines, les habitants de Gaza, cibles captives, croulent sous les
bombes, les destructions multiples, le manque d’eau, de vivres et la
mort.
L’énormité des moyens mis en œuvre par l’offensive
israélienne sur la bande de Gaza ôte sa signification aux tirs de
roquettes. Aucune solution juste et viable ne sera trouvée par la force.
Nous,
Juifs marocains, sommes solidaires des victimes innocentes qui
souffrent à Gaza et ailleurs. Nous sommes également inquiets pour la
suite du processus indispensable qui devait depuis des années mener à
la paix entre les enfants d’Abraham.
La communauté
internationale réclame l’arrêt des hostilités et le retrait des troupes
israéliennes. Le monde entier est parcouru de manifestations contre la
guerre. Nous aussi disons : Non à la guerre !
Nous, Juifs
marocains, participons des deux identités aujourd’hui en guerre. Au nom
de ces identités soeurs, de notre histoire commune, nous lançons un
appel, celui de l’espoir, aussi ténu soit-il, pour donner une chance à
la paix.
Jusqu’à quand devrons-nous attendre l’avènement d’une
paix dont le rêve a été brisé voici 15 ans par l’assassin de Yitzhak
Rabin ?”
Au cours d’une brève entrevue qu’il nous a accordée
depuis Casablanca, Serge Berdugo, président du Conseil des communautés
israélites du Maroc, nommé l’année dernière Ambassadeur itinérant du
Maroc par le roi Mohammed VI, nous a expliqué les raisons qui ont
motivé l’organisation qu’il préside à émettre ce communiqué.
Canadian
Jewish News : Pourquoi le Conseil des communautés israélites du Maroc
a-t-il décidé d’émettre publiquement un communiqué condamnant
l’opération militaire menée récemment par Israël contre le Hamas à Gaza
?
Serge Berdugo : Tout d’abord, je tiens à faire une mise au
point importante. Le titre accompagnant ce communiqué de presse -“La
communauté juive condamne l’intervention militaire à Gaza”- est faux.
En tant que président de la communauté juive du Maroc, je ne me serais
jamais permis d’écrire un tel titre. La communauté israélite du Maroc
ne condamne rien. Nous avons simplement émis un communiqué de presse
simple et précis, sans titre. Donc, je récuse totalement le mot
“condamnation”. Si on lit ce communiqué avec beaucoup d’attention, on
verra que nous avons été extrêmement équilibrés. On n’a pas pris de
position, ni cité quoi que ce soit. On a tout simplement essayé d’être
le plus humanitaire possible en jouant le rôle qui nous incombe, celui
d’une communauté juive responsable.
C.J.N. : La communauté juive
institutionnelle du Maroc a-t-elle subi des pressions de la part des
autorités politiques de Rabat ou de groupes de la société civile
marocaine pour qu’elle émette ce communiqué ?
S. Berdugo : Nous
n’avons subi aucune pression. Je tiens à vous rappeler que ce
communiqué de presse a été rédigé et émis quinze jours après le
déclenchement de l’opération militaire israélienne. S’il y avait eu une
quelconque pression, je crois que ce communiqué aurait été émis bien
avant.
Le problème qui se pose est très clair : vous ne pouvez
pas vivre dans un pays à 99. 99% musulman et arabe, submergé par un
flot d’informations sinistres et d’images d’une violence incroyable,
voir tous les jours nos concitoyens musulmans bouleversés par la
tragédie de Gaza, et rester inertes. Face à cette tragédie, les Juifs
du Maroc ne pouvaient pas dire : “Nous ne sommes pas partie prenante
dans ce conflit. Nous voulons rester en dehors de celui-ci”. C’est
impossible ! Personne ne nous a rien dit, ni rien demandé. Mais, au fur
et à mesure du déroulement des événements, nous, Juifs du Maroc, nous
sommes aperçus qu’il fallait qu’on dise quelque chose.
C.J.N. :
Dans votre communiqué, vous ne faites pas allusion au Hamas, vous ne
blâmez qu’Israël. Par ailleurs, vous ne mentionnez même pas le nom des
villes israéliennes sur lesquelles s’abattent quotidiennement les
roquettes lancées par le Hamas.
S. Berdugo : Nous avons dit
quand même quelque chose à ce sujet, peut-être que nous l’avons dit de
manière allusive : que “les moyens utilisés par Israël dans cette
offensive militaire sur la bande de Gaza ôtaient sa signification aux
tirs de roquettes du Hamas”. Nous ne voulions pas mettre dans ce
communiqué le terme “disproportionné”.
En ce qui a trait aux
villes israéliennes ciblées par ces roquettes, nous avons écrit que
“nous sommes solidaires des victimes innocentes qui souffrent à Gaza et
ailleurs”. Cet “ailleurs”, c’est où, selon vous ? Ce n’est pas dans les
rues de Casablanca ! C’est à Sdérot, à Ashdod… C’est vrai, nous aurions
pu être un peu plus explicites et écrire dans notre communiqué les noms
de ces villes du Sud d’Israël.
C.J.N. : Ce nouveau conflit à Gaza a-t-il provoqué des tensions entre les Juifs et les Musulmans marocains ?
S.
Berdugo : Il y a eu pendant une semaine une tension naturelle, comme
partout ailleurs. Ensuite, les choses sont rentrées dans l’ordre. Les
écoles juives fonctionnent, tout fonctionne normalement. Il n’y a pas
eu d’incidents majeurs qui puissent nous effrayer. La seule chose qu’on
m’a rapportée, c’est qu’à la sortie d’une école, des gosses de 10 ou 12
ans auraient insulté un ou deux Juifs. Il n’y a rien eu d’autre. Nos
relations avec nos concitoyens musulmans sont demeurées normales.
Boycott d’Israël…une idée qui monte
Le collectif CAPJPO ( Collectif pour une paix juste au Proche Orient - Site Web pour le boycott )
vient de relancer l’idée d’un boycott d’Israël, et appelle les
associations, syndicats, partis à engager « une grande campagne visant
à organiser le boycott effectif d’Israël dans les transports, la
distribution et le commerce, les universités, les laboratoires... et
contre toute initiative de soutien et de propagande en faveur d’Israël
»
D’autres initiatives du même type ont lieu comme cet appel d’universitaires dont certains sont très connus.
Appel d’universitaires à cesser toute collaboration avec les institutions israéliennes participant à l’occupation
Les
témoignages qui s’accumulent montrent à l’évidence qu’Israël a commis à
Gaza de véritables crimes de guerre, en affamant, en privant de soins,
puis en massacrant, à l’abri de tout regard médiatique, une population
dépourvue de tout moyen de fuir ou de se défendre. Les images et les
récits qui nous parviennent maintenant sont insoutenables. Il ne s’agit
pas là de « bavures » dont se seraient rendus coupables quelques
militaires, mais d’une politique délibérée qui relève du nettoyage
ethnique. Comme le disait un appel paru dans le Guardian du 16 janvier
dernier et signé par 300 personnalités du monde universitaire
britannique, l’objectif est bien d’éradiquer les Palestiniens en tant
que force politique capable de résister à l’expropriation continue de
leurs terres et de leurs ressources.
Il faut mettre fin à
l’impunité d’Israël. Ni l’aide humanitaire ni l’appel à prolonger le
cessez-le-feu ne suffisent. Le blocus de Gaza doit être levé et Israël,
avec ses responsables politiques et militaires, doit être jugé pour
crimes de guerre. Nous demandons au gouvernement français et à la
population française de prendre toutes les mesures pratiques pour
obliger Israël à accepter ces exigences, et en premier lieu d’appliquer
un programme de boycott, de cessation des investissements et de
sanctions.
Les signataires de ce texte s’engagent à cesser toute
collaboration avec les institutions israéliennes participant à
l’occupation, et se déclarent solidaires de ceux qui en Israël luttent
courageusement pour les droits humains, sociaux et politiques des
Palestiniens.
Séraphin Alava,
Professeur à l’Université Toulouse 2,Georges Audi, Directeur de
recherche au CNRS, Michel Balabane, Professeur à l’Université Paris 13,
Viviane Baladi, Directrice de recherche au CNRS, Etienne Balibar,
Professeur émérite à l’Université Paris Ouest, Daniel Bensaïd,
Professeur à l’Université Paris 8, Tsouria Berbar, Chercheuse à
l’INSERM, Rudolf Bkouche, Professeur émérite à l’Université de Lille I,
Edgar Blaunstein, Economiste, Michel Bonneu, Professeur à l’Université
de Toulouse, Alain Brossat, Professeur à l’Université Paris 8, Eve
Caroli, Professeur à l’Université Paris-Ouest, membre de l’Institut
Universitaire de France, Hélène Carteron, Ingénieure à l’INSERM, Paris,
Sonia Dayan-Herzbrun, Professeure émérite à l’Université Paris 7, Ivar
Ekeland, Président honoraire de l’Université Paris-Dauphine, Mireille
Fanon-Mendès-France, Juriste, collaboratrice parlementaire, Jacques
Fontaine, Professeur à l’Université de Franche-Comté, Dominique
Fougeyrollas, Chargée de recherche au CNRS, Nicole Gabriel, Maître de
conférences à l’Université Paris 7, Marie-Madeleine Gombert, Chargée de
recherche au CNRS, Danielle Haase-Dubosc, Directrice de Reid Hall,
Université de Columbia à Paris, Boutros Hallaq, Professeur à
l’Université Paris 3, Michael Harris, Professeur à l’Université Paris
7, membre de l’Institut Universitaire de France, Jacques Henry, Maïtre
de conférences honoraire, Université de Paris Sud, Bernard Jancovici,
Professeur émérite à l’Université Paris Sud, Alain Joxe, Directeur
d’Études à l’EHESS, Baudoin Jurdant, Professeur à l’Université Paris 7,
Sylvia Klingberg, Ingénieure d’étude à l’INSERM, Lydie Koch-Miramond,
astrophysicienne, conseillère scientifique de la Commission à
l’énergie, Hubert Krivine, Maître de conférences à l’ Université Paris
6, Michelle Lanmuzel, Professeur de lettre Pierre Lantz, Professeur
émérite à l’Université Paris 8, Ariane Lantz, Professeur honoraire de
philosophie, Juliette Leblond, Directrice de recherche au CNRS,
Catherine Lévy, Chercheuse au CNRS (Paris I), Jean-Marc Lévy-Leblond,
Professeur émérite à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis, Roland
Lombard, Directeur de recherche au CNRS, Président du CICUP, Aïcha
Maherzi, Directrice de recherche au CREFI, Toulouse, Joëlle Maillefert,
PRAG à l’IUT de Cachan, Bernard Maitte, Professeur à l’Université Lille
I, Véronique Nahoum-Grappe, Chercheuse à l’EHESS, Annie Najim,
Professeure à l’Université de Bordeaux 3, André Nouschi, Professeur
honoraire à l’Université de Nice, Olivier Pène, Directeur de recherche
honoraire au CNRS, Véronique de Rudder, Chargée de recherche au CNRS,
Emmanuel Rollinde, Maître de conférences à l’Université Paris 6, Alain
Romey, Professeur à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis, Catherine
Samary, Maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine, Pierre
Schapira, Professeur à l’Université Paris 6, Marie-Ange Schiltz,
Ingénieure de recherche au CNRS, Geneviève Sellier, Professeure à
l’Université de Caen, membre de l’Institut Universitaire de France,
Alexis Tadié, Professeur à l’Université Paris 4, ancien directeur de la
Maison Française d’Oxford, Françoise Thébaud, Professeure à
l’université d’Avignon, membre de l’Institut Universitaire de France,
Gérard Toulouse, Directeur de recherche au CNRS, membre de l’Académie
des Sciences, Odile Vacher, Maître de conférences à l’Université Paris
XI, Eleni Varikas, Professeur à l’Université Paris 8, Tassadit Yacine,
Directrice d’étude à l’EHESS
*
En janvier 2003, le Conseil d’Administration de Paris 6 (Jussieu),
avait voté, à la majorité des voix, la suspension des relations avec
les universités israéliennes tant que celles-ci ne protesteraient pas
contre la situation des universités palestiniennes, entravées par
l’occupation israélienne.
Un vote approuvé par des intellectuels
du monde entier et par des opposants israéliens, qui avait déclenché
une agression incroyable de la part des sionistes et de leurs affidés,
à commencer par Luc Ferry, le ministre de l’Education de l’époque qui
avait osé les traiter d’antisémites
Entreprises et soutien à la politique d’Israël
Territoires palestiniens occupés : Une odeur d’argent
T HOCINE publié par el Watan (Algérie) le 15 02 2009
Veolia,
Alstom, Dexia... Colonies illégales, tramway colonial...Quand des
entreprises françaises financent l’occupation ou y participent.
Cela
rappelle étrangement des situations vécues déjà sous d’autres cieux,
c’est-à-dire là où l’argent est roi et qu’il n’y a pas de place pour
les états d’âme. Au nom d’une logique aussi inhumaine que froide, des
pays ferment les yeux dans des cas de flagrante injustice, en
contradiction avec un discours supposé défendre les droits de l’homme.
C’est
ainsi que trois multinationales et une PME françaises sont accusées
d’avoir tiré économiquement profit de la colonisation de la Cisjordanie
par Israël. « La banque franco-belge Dexia finance plusieurs colonies.
Les multinationales Alsthom et Veolia comptent transporter leurs
habitants à travers Jérusalem. La PME Manitou participe à la
construction du mur de séparation.
Toutes font du business en
totale violation du droit international », indique une ONG
(organisation non gouvernementale) française sur son site. Ainsi
apprend-on, « en 2003, le gouvernement israélien a lancé un plan de
financement des communes qui ont du mal à boucler leurs budgets. 67
municipalités israéliennes, dont une dizaine de colonies, bénéficient
d’un emprunt auprès de Dexia Israël ».
« L’implantation de
colonies israéliennes en Cisjordanie viole la Convention de Genève,
ratifiée par Israël, et plusieurs résolutions de l’Onu, notamment la
résolution 446 du 22 mars 1979 »,
ne cesse-t-on de rappeler y compris aux gouvernements qui se montrent d’une extrême complicité avec leurs milieux économiques.
On
disait la même chose en 1975, voire plus, quand il s’agissait de livrer
deux centrales nucléaires à l’Afrique du Sud, alors sous le régime de
l’apartheid, et théoriquement sous embargo de l’ONU ou encore de
l’accord de pêche liant le Maroc et l’Union européenne, incluant les
eaux territoriales du Sahara-Occidental sous occupation marocaine.
Donner du travail aux pêcheurs européens, alors que c’est un soutien à
la politique d’occupation en échange du pillage de richesses qui
n’appartiennent qu’au peuple sahraoui.
Cette résolution
considère que la politique et les pratiques israéliennes consistant à
établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et
autres territoires arabes occupés depuis 1967 n’ont aucune validité en
droit et font gravement obstacle à l’instauration d’une paix générale,
juste et durable au Moyen-Orient. L’ONG « Intal », avec une trentaine
d’organisations belges, vient de lancer une campagne « Dexia, out of
Israël », contre le financement des colonies israéliennes par la banque
franco-belge. Plusieurs communes belges ont déjà adopté des motions
allant dans ce sens. Deux multinationales françaises sont impliquées
dans le consortium Citypass aux côtés d’entreprises et de banques
israéliennes : Veolia transport et Alsthom, pour la réalisation du
tramway d’El Qods, devant relier El Qods-Ouest, aux colonies
israéliennes d’El Qods-Est, en Cisjordanie palestinienne. Alsthom doit
fournir 46 rames de tramway et a obtenu une concession de 30 ans pour
l’exploitation de la ligne et c’est fort logiquement que l’Autorité
palestinienne a porté plainte contre les deux multinationales [il s’agit en fait d’une plainte déposée par l’AFPS (association France Palestine Solidarité) et l’OLP]
De
nombreuses ONG ont dénoncé la participation des deux groupes à la
réalisation de ce projet. Grâce à leur travail, Veolia a directement
pâti de sa participation au consortium. En effet, le conseil municipal
de Stockholm a annoncé, le 20 janvier, que Veolia, en charge du métro
de la capitale scandinave depuis dix ans, était évincée au profit d’un
autre opérateur. « Un contrat de 3,5 milliards d’euros est parti en
fumée officiellement pour des raisons commerciales mais sur fond d’une
intense campagne médiatique », rappelle-t-il. La dernière entreprise
directement impliquée auprès des colonies israéliennes n’est pas une
multinationale mais une société de taille moyenne. « Manitou » se
présente comme « leader mondial de la manutention tout terrain », au
chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros, fournit machines et
bulldozers pour la construction et l’entretien du mur de démarcation,
érigé par le gouvernement israélien, dont le tracé empiète largement
sur le territoire palestinien. Et ces entreprises n’ont jamais été
rappelées à l’ordre dans leur pays d’origine. Ce n’est plus du
laisser-faire, mais de la myopie et encore une fois, la politique du
cas par cas.
Une base de données israélienne sur les entreprises qui profitent de l’occupation
Site CAPJPO-Euro Palestine
La
Coalition Israélienne des Femmes pour la Paix a mis sur pied un projet
intitulé "Qui profite de l’occupation israélienne ?" et vient de lancer
une banque de données en ligne (www.whoprofits.org)
qui liste les entreprises collaborant directement à l’occupation de la
Cisjordanie, de la Bande de Gaza et des Hauteurs syriennes du Golan.
Interview
de Dalit Baum, responsable de cette base de donnée par Adri Nieauwhof
du site « électronic intifada » (Traduit de l’anglais par Carole
SANDREL pour CAPJPO-Euro Palestine )
The Electronic Intifada : Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs ?
Dalit
Baum : D’abord laissez-moi souligner que cette base de données est le
fait d’une large coalition. La Coalition des Femmes pour la Paix s’est
fondée dans les premiers jours de la seconde Intifada, et représente
des milliers de femmes dispatchées dans neuf organisations, comprenant
Machsom Watch, Women in Black, Bat Shalom et New Profile. Je suis l’une
des co-fondatrices de la Coalition. Vous en trouverez plus sur nous sur
notre site Internet. Le projet "Whoprofits" (Qui en profite) est porté
par un groupe de militants de notre coalition. Ce sont principalement
des bénévoles qui le font tourner.
Je travaille comme
spécialiste des "Etudes sur les Femmes", à l’université de Haïfa et à
la Faculté de Beit Berl. Pendant des années, je me suis engagée dans
l’action directe pour m’opposer à l’occupation avec "Anarchists against
the Wall" (Anarchistes contre le Mur), Women in Black et Black Laundry.
Electronic Intifada : Qu’est-ce qui a motivé la coalition a se lancer dans un projet aussi ambitieux ?
Dalit
B : Nous analysons continuellement le rôle que nous pouvons jouer en
tant qu’organisation israélienne dans le mouvement global contre
l’occupation. Dans le passé le débat en Israël se focalisait sur les
coûts de l’occupation et ce à quoi cet argent pourrait servir de
manières plus constructive. Le mouvement a utilisé des slogans comme
"L’argent pour les quartiers pauvres, pas pour les colonies !". Puis,
nous avons fini par comprendre que cet argument ne portait pas dans le
public. Les gens savaient que l’occupation coûte cher, mais qu’il y a
aussi des motivations économiques. C’est difficile pour nous en Israël
de nous dissocier personnellement de l’économie de l’occupation.
L’occupation fait bénéficier Israël d’une terre palestinienne bon
marché, de travail et du contrôle de la totalité de l’économie
palestinienne, ce qui assure à certains que cette économie ne peut pas
entrer en compétition avec l’économie israélienne.
Nous avons
décidé de changer de perspectives et d’articuler le débat en ces termes
: qui profite de l’occupation ? Les deux dernières années nous avons
travaillé à faire le relevé des grandes sociétés israéliennes et
internationales directement engagées dans la construction des colonies
israéliennes des infrastructures des territoires occupés, dans
l’économie des colonies, dans la construction des murs et des check
points, dans la fourniture des équipements spécifiques qui servent au
contrôle et à la répression des populations civiles sous occupation.
Nous avons compris que notre banque de données contribue à combler le
fossé de l’information internationale. Notre travail complète celui des
campagnes que font les militants mondiaux contre l’intervention des
grandes sociétés dans l’occupation, telles que Motorola, Assa Abloy,
Unilever, Veolia et Africa-Israël, parce que nous sommes sur le
terrain, que nous pouvons aller dans les colonies et que nous avons
accès à l’information en hébreu.
Electronic Int. : Comment vous assurez-vous que votre banque de données est une source fiable ?
D.B.
: Toutes les informations sur les entreprises publiées sur notre site
Web reposent sur des preuves concrètes. Nous collectons les documents
provenant des entreprises elles-mêmes et des organismes gouvernementaux
israéliens. Nous rassemblons aussi des preuves en visitant des sites et
en prenant des photos de la présence de ces entreprises dans les
territoires occupés. Pour chaque entreprise nous avons un dossier avec
des comptes rendus de première main sur ses participations. Nous avons
beaucoup plus d’informations qu’il n’en est publié sur le site Web.
Nous avons découvert que bon nombre des entreprises qui opèrent dans
les zones industrielles israéliennes de Cisjordanie ne sont pas
enregistrées comme telles. Cela requiert beaucoup plus de travail pour
faire la preuve de leur participation à l’occupation. Nous sommes
minutieux dans notre recherche, mais évidemment nous sommes contents
quand nous recevons des réactions en retour sur la manière dont nous
pouvons améliorer la qualité de notre banque de données ; mais les
corrections et ajouts reçus seront toujours vérifiés.
Electronic I. : Comment voyez-vous le boycott des produits des colonies ?
D.B.
: Dans de nombreux pays les militants organisent des campagnes de
boycott contre les produits d’une colonie donnée. Mais notre banque de
données n’est pas qu’une liste de boycott. Nous essayons d’offrir un
spectre plus large comprenant les entreprises qui profitent de
l’industrie des colonies, de l’exploitation économique des ressources
palestiniennes, des marchés, du travail, et du contrôle de la
population palestinienne. Pour nous, en tant que militants israéliens,
il est vraiment impossible d’occulter toutes ces entreprises. Nous
listons donc les principales banques israéliennes, les entreprises
internationales de haute technologie, et les géants du transport, selon
leurs différents niveaux de participation.
Nous pensons que la
société civile peut et doit essayer de changer la politique de ces
grandes entreprises, mais il faut des approches différentes adaptées à
des entreprises différentes.
Par exemple, en ce qui concerne
Veolia, entreprise engagée dans un projet de tramway reliant Jérusalem
à des colonies en Cisjordanie, nous avons réussi à démontrer qu’ils
pratiquent des enfouissements de déchets dans la Vallée Jordanienne
occupée.
Un autre exemple est celui de HeidelbergCement,
propriétaire de Hanson-Israël, une entreprise qui possède quatre usines
en Cisjordanie, dont une carrière de pierres, qui exploitent des
ressources palestiniennes naturelles, non renouvelables, pour
l’industrie du bâtiment israélienne.
Nous voudrions encourager
les militants à être créatifs. Une lettre à Hewlett Packard à propos de
la participation de sa filiale EDS-Israël au système automatisé de
contrôle d’accès biométrique installé aux principaux checkpoints, est
pour nous aussi importante que la campagne suédoise qui a provoqué la
décision d’Assa Abloy de se désinvestir de la zone industrielle de
Barkan.
Electronic I. : Quelle a été la réponse d’Israël à cette banque de données ?
D.B.
: Pendant deux ans nous avons travaillé presque constamment au radar.
Nous nous étions arrangés pour nous faire aider par pas mal de groupes
en Israël et à l’étranger. Maintenant le temps est venu de donner plus
de publicité à la banque de données. Cela sert notre objectif
d’éducation du public israélien sur les profits que tirent les
entreprises de l’occupation de la Palestine. Cela offre aussi au public
de nouveaux catalogages des différents types de participation à
l’occupation, et montre comment cette participation a imprégné une
grande partie de l’économie israélienne, y compris les grosses banques,
les principales entreprises de télécommunication, de construction et de
transport.
Electronic I. : Quels sont vos critères pour évaluer le succès de la banque de donnée "Whoprofits" ?
D.B.
: Je considèrerai que notre banque de données est un succès quand elle
servira notre objectif d’éducation. Je veux que nous arrivions à
atteindre encore plus de monde, en Israël et à l’étranger, pour que le
monde sache comment les entreprises et les intérêts économiques
soutiennent l’occupation israélienne. Alors, moi personnellement, je
voudrais voir les gens essayer de peser sur les intérêts de ces
compagnies, afin d’aider à mettre un terme à l’occupation. Dans
quelques années d’ici j’espère que les entreprises seront plus
soucieuses d’être vues comme collaborant à l’occupation et même
qu’elles nous appelleront pour faire retirer leurs logos de notre site
web. Le véritable succès serait que l’opinion publique change et qu’il
soit mis vraiment fin à l’occupation.
* Adi Nieuwhof est consultante et avocate des droits de l’homme
Déclaration CGT au CCE de Thales S.A.
CGT au CCE de Thales S.A. La CGT du Groupe Thalès, lundi 2 février 2009
Permettez-nous,
représentants CGT des salariés, d’aborder une question difficile devant
ce CCE. D’abord, levons toute ambiguïté : il ne s’agit pas de prendre
une position partisane dans un conflit opposant deux États. Il s’agit
d’une demande de réflexion sur la destination finale, et donc
l’utilisation finale des systèmes armes réalisés par la société THALES
dans laquelle nous travaillons.
La déclaration confédérale CGT,
à laquelle nous sommes affiliés, du 26 janvier, à l’occasion du
Cessez-le-feu à GAZA, demande l’arrêt de la coopération militaire et de
la vente d’armes, notamment françaises à l’État d’Israël, et la
suspension de l’accord d’association entre l’Union Européenne et Israël.
L’actualité
a souligné de nombreux projets de coopérations, et pas seulement des
projets entre THALES et des sociétés israéliennes d’armements. Nous
pensons en particulier à un accord récent sur les drones, avec la
société ELBIT SYSTEMS. Or, à quoi ont servi les drones dans l’opération
de Gaza ? La question mérite d’être posée.
A démasquer et à détruire de dangereux terroristes ?
Les
experts militaires, même si toutes les conclusions ne sont pas encore
tirées, mettent déjà en avant les « résultats » de l’opération
israélienne à GAZA : Elle a tué 1 300 Palestiniens, blessé plus de 5
000, les deux tiers sont des femmes et des enfants, presque tous sont
victimes de l’aviation. Alors qu’ils constatent l’absence
quasi-complète de pertes israéliennes. Tout cela, sans mettre fin aux
tirs de roquettes des différentes organisations de résistances
palestiniennes à Gaza dont le Hamas. Il ne s’agit pas de guerre
asymétrique, ni de guerre de contre-insurrection, les experts devront
donc inventer un nouveau terme, comme « guerre à réponse
disproportionnée ». ? Mais qu’est-ce que la bonne proportion dans ce
domaine ?
Citons Shlomo Sand, historien israélien, ancien
étudiant de l’École des hautes études en sciences sociales à Paris,
professeur à l’université de Tel-Aviv : « Le Hamas est-il éliminé ?
Avons-nous renforcé le camp de la paix chez les Palestiniens ? » ; Et
en Israël peut-on renforcer les partisans de la paix ? Très souvent, la
Direction Générale, à grand renfort de publicité, a mis en garde les
salariés sur les aspects déontologiques, encore récemment sur la
précaution à prendre en matière de corruption (le 22 décembre 2008).
Ici,
il ne s’agit pas de corruption. Il s’agit de réfléchir à la finalité de
nos systèmes d’armes et de leurs conditions d’utilisation, à la
finalité du travail des salariés. Déontologiquement, THALES peut-il
continuer à passer des accords commerciaux avec un pays qui est accusé
de crime de guerre par de nombreuses ONG (la Fondation Frantz Fanon,
Amnesty International France, la Plate-forme des ONG françaises pour la
Palestine, la Fédération internationale des Ligues des droits de
l’Homme et son affiliée française…), particulièrement à propos de
ciblage de civils, ou de la destruction des matériels des organisations
humanitaires ou de soins, et dont certains sont agréées par le
Ministère des Affaires Étrangères ?
Rien ne peut justifier que
les salariés du Groupe participent indirectement à des activités
condamnables. Le Code d’éthique, dont s’est doté le Groupe, s’y oppose,
précisément dans ce contexte. L’image du groupe THALES est en
jeu, celle des salariés également.
Tramway de Jérusalem : Veolia sanctionné en Suède
Marc Laimé publié par le blog du Monde Diplomatique Janvier 2009
L’ONG
suédoise Diakonia a annoncé sur son site, le 20 janvier dernier, que la
filiale transport de la multinationale française Veolia venait de
perdre un contrat d’une valeur de 1,9 milliards d’euros à Stockholm.
Ce
contrat représentait le plus important appel d’offres public en cours
en Europe, relatif à la gestion du métro de la capitale suédoise, pour
une durée de 8 ans (« Veolia looses 3,5 billion EUR contract in Sweden
». Une importante campagne de protestation internationale semble avoir
pesé sur la décision de l’autorité des transports publics municipaux de
Stockholm.
Les entreprises françaises Veolia et Alstom étaient
mises en cause depuis plusieurs années en raison de leur participation
à un projet de construction d’un tramway à Jérusalem, comme le relatait
Robert Kissous dans Le Monde Diplomatique en août 2008 (« Veolia,
Alsthom et le tramway de Jérusalem »).
Ce projet de tramway,
destiné à relier la Jérusalem-ouest israélienne avec des colonies
israéliennes illégales dans les territoires palestiniens occupés, a
suscité de vives polémiques sur la politique d’éthique de Veolia. Les
protestations publiques stigmatisant la multinationale viennent donc de
lui valoir un revers cinglant, au moment même où l’entreprise connaît
des difficultés en bourse.
L’autorité des transports publics
municipaux de Stockholm (SL) a indiqué que sa décision était basée sur
des facteurs commerciaux, mais le questionnement sur l’implication de
Veolia dans le projet controversé de tramway à Jérusalem (le «
Jerusalem light railway ») a suscité un débat intense dans les médias
suédois. Le marché, d’un montant de 21 milliards de couronnes suédoises
(1,9 milliard d’euros), a donc été attribué au conglomérat MTR, de
Hong-Kong.
Jusqu’à la veille de sa décision le conseil municipal
a en effet reçu des pétitions signées par des milliers de citoyens,
exigeant qu’il choisisse un opérateur qui ne soit pas associé à des
violations du droit international humanitaire.« Ceci est un autre signe
clair de l’importance pour les acteurs commerciaux de ne pas associer
leur marque à des comportements anti-éthique, et en ce qui concerne les
colonies illégales en territoire palestinien occupé, on peut déjà voir
un mouvement des compagnies internationales qui cessent toute activité
dans les colonies », a déclaré M. Joakim Wohlfeil, représentant de
l’ONG suédoise Diakonia. Ajouter un commentaire.